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Concerts

Mountain Goats à Slaktkyrkan, Stockholm, samedi 9 novembre 2019

Les concerts de The Moutain Goats se suivent et ne se ressemblent pas. Rien de commun entre le set solo un peu ennuyeux et presque exclusivement au piano électrique du Point Ephémère de Paris juste après la sortie de « Life Of the World To Come » (et portant presque exclusivement sur des interprétations de l’album) et le concert dans la formation traditionnelle du groupe suivant la sortie de « Goths » à Strand, salle surchauffée par un public totalement acquis, compact et connaissant sa base (les albums crado lo-fi, Schrimper et compagnie) et la crème de ceux sortis chez 4AD (les albums superproduits) mais moins bien les disques récemment sortis chez Merge.

Ce soir, le public est peut-être un peu plus clairsemé, on accède facilement aux premiers rangs, et presque exclusivement (ou du moins c’est l’impression) anglo-saxons. Et gay. On porte les t-shirts des anciennes tournées ou on devise sagacement sur les probabilités d’entendre tel ou tel titre. En tout cas, on est entouré de pros. Et même d’assez jeunes pros. Qui aurait parié sur un renouvellement du public de The Mountain Goats ?

Nos jambes ne nous permettent plus de sécuriser de bonnes places et on préfère passer la première partie assis mais le son de Laura Cortese & The Dance Cards, trio indie bouseux nous titille un peu (la chanson « Stockholm », sans doute). Un trio exclusivement féminin, contrebasse, violoncelle et violon/chant, qui attire l’oreille par ce son hors du temps sur des problématiques bien contemporaines (la drague sur Tinder notamment). Il doit y avoir un lien de la chanteuse avec la Suède puisqu’un titre en idiome local et une chanson sur une soirée soul à Fasching font partie du set. Pas de quoi casser des briques mais c’est une bonne ouverture pour The Mountain Goats, tout en laissant espérer un partage de scène et des arrangements possibles (genre titres tirés de Goths qui s’accommoderaient bien de la sauce cordes/country/contemporain ?).

John Darnielle, veste rose, chemise violette, monte sur scène accompagné de Matt Douglas, camarade barbu et bedonnant qui tiendra claviers, guitare folk et électrique. Et saxophone.

Alors qu’on s’attend à un set moyen à puissance de feu moindre, on assiste alors à un des plus flamboyants concerts des Mountain Goats. D’abord parce que Darnielle en fait des tonnes, au point qu’on pourrait penser que le temps de l’abus d’amphétamines n’est plus révolu. Ils commencent par un « Estate Sale Sign » (« All Eternal Deck ») qui met tout le monde d’accord. Ca hurle, ça chante et ça pleure. Je vois un des esthètes érudits de ma gauche, suédois me semble-t-il, vingt-cinq ans max, fondre en larmes d’une joie que je suppose provoquer par le second titre, « Dutch Orchestra Blues » (« Isopanisad Radio Hour », sorti en 2000…. 500 copies). C’est dire le degré de ferveur.

John Darnielle (plan américain)

Concours de reconnaissance de titres également au premier rang, avec notes sur smartphones pour sans doute alimenter -live- themountaingoats.fandom.com. Plus discrète, la voisine de droite chante TOUTES les paroles et souffle même à Darnielle quelques lignes oubliées (« Alphabetizing », sur le ep « Chile de Árbol » de 1993 ?). Elle occupe le même poste, 3e rang à jardin, qu’il y a deux ans à Strand. Rien que de très commun ( ??!!!!) pourrait-on dire mais c’est sans prendre en compte la chaleur du public sur les titres plus récents et qui semblaient manquer lors du concert précédent, en 2017.

Darnielle quitte la scène pour « Wear Black » tiré de « Goths », rappelons-le, premier album sans guitares et fourmillant d’arrangements précieux : cordes, vents… Difficile à rendre sur scène, notamment lors de la tournée qui a suivi, avec Le Groupe, en version plutôt rock tendu. Ici « Wear Black » s’habille d’un piano soul jazz tenu par Matt Douglas, ambiance Elton John/George Michael, et Darnielle, qui se fait attendre et laisse la baraque à son acolyte, réapparait en crooner nonchalant -mais sous amphet’- verre de vin à la main avec tout le public en train d’assurer les chœurs. Énorme ambiance.

Matt Douglas (Mountain Goat)

Ce Douglas est à la fête et arrive par sa seule science de l’arrangement et de l’improvisation à retrouver les couleurs des albums (variés) de la setlist. Il est incroyable sur « Younger », que les commentateurs du premier rang n’attendait pas -sans batterie précisent-ils-, et arrive à asseoir remarquablement le titre à l’aide de son sax. Ce qui nous impose deux remarques : l’une, que « Younger », et on s’en doutait dès la première écoute de « In League With Dragons », fait désormais partie des classiques des Moutains Goats, l’autre, que l’essence du titre n’est pas là où on l’attendait, le duo basse/batterie tellement reconnaissable et ici absent. Darnielle ironisera d’ailleurs en précisant que contrairement aux tournées avec son groupe, grâce à ce duo, il peut jouer n’importe quoi dans sa pléthorique discographie et que Douglas, petit dernier de la bande (officiellement membre depuis 2015), s’en sortira toujours, y compris sur des titres plus obscurs.

John Darnielle (piano)

La première partie rejoindra Darnielle sur trois titres, agrémentant agréablement le premier, « Tianchi Lake », sans plus mais la contrebasse (certes un peu en difficulté, vu le rythme corsé) apporte ensuite beaucoup à « Cadaver Sniffing Dog ». Encore plus enthousiasmant : les chœurs d’un public déchaîné, qui ajoutent leur canon au refrain. Impossible de ne pas comparer avec le concert messe-mise à distance de Bill Callahan (autre vétéran de la même scène et de la même génération) et de l’opposer à l’état de communion partagée de ce soir. Douglas en perd presque son assurance face à tant d’enthousiasme et jettera plusieurs coups d’œil étonnés vers le public.

Les rappels sont à peu près semblables à ceux de la tournée précédente. Certains demandent (en vain ?) Going To Georgia, pendant que la team des gardiens du temple leur gueule que ce n’est pas la peine, que John ne la joue plus, qu’il ne l’aime pas etc.

On communique fébrilement avec les lévites sur les requests possibles et l’on demande « Best Heavy Metal Band out Of Denton ». Vœu à demi exaucé puisqu’on a droit à « Fall of the star high school running back » de « All hail west Texas !  » et que John décrit comme une chanson politique. Vient l’inévitable « Recognition Scene », et c’est l’hystérie, le délire collectif, la transe, le sing along ultime.

Ambiance idem pour « No children » (« Talahassee ») annoncé avec force blagues sur les demandes les plus hallucinantes qu’il ait eues, notamment celle de l’interpréter lors d’un mariage !

Suivent d’autres évidences Darnielliennes, tirées de « The Sunset Tree », puisque The Mountain Goats dans sa deuxième incarnation fait œuvre de reconstruction, d’où les titres évoquant les abus sur les femmes et sur les enfants, dont Darnielle fut lui-même l’objet (« Up the wolwes », « This Year ») et qui sans dénonciation, ni amertume (cf la dédicace à son beau-père sur l’album) se veulent avant tout témoignages et soutiens. Grand monsieur.

Post concert, on se retrouve tous (et tout) heureux. On apprend en papotant qu’une grosse délégation d’Américains a l’habitude de faire le voyage pour voir The Mountain Goats dans des plus petites salles (notamment en Scandinavie, où elle trouve chaleur et proximité tandis que Darnielle se produit dans des salles de 3000 personnes à Londres) et bénéficier ainsi de set-listes alternatives. Craignant les bootlegs, Darnielle évite les titres les plus attendus et réclamés en Angleterre pour jouer des morceaux beaucoup plus rares. On laisse les uns rentrant aux US, d’autres suivant le reste de la tournée vers la côte ouest (Göteborg). Et on se donne rendez-vous au prochain concert. Je demanderai « You were cool ».

John Darnielle (almost close up)

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