Loading...
Disques

Sylvain Chauveau – Post-Everything

Sylvain Chauveau - Post-Everything

Avec « Singular Forms (sometimes repeated) » Sylvain Chauveau entamait, il y a sept ans, un projet de déconstruction du format chanson sous la forme d’une trilogie. Il semble qu’il ait achevé son voyage et (presque) retrouvé la route pop. On a même l’impression, à l’écoute de « Post-Everything », qu’on assiste plutôt à la reconstruction du format chanson.

Première piste : deux reprises de la popeuse suédoise Lykke Li, à rapprocher de celles de Depeche Mode (format musique contemporaine avec l’Ensemble Nocturne) ou celles de Bill Callahan (format expérimental avec Stefan Mathieu). Enfin… si ces catégories ont un sens strict. Pour le tube « I Follow Rivers » issu de « Wounded Rhymes », exit les percussions tribales, voici plutôt des vibrations de basse, des irisations dans les aigus et une retenue qui n’exclut pas le lyrisme ni la tension. Notons que les crash électroniques et autres accidents numériques s’accordent fort bien avec les paroles de « No Rest For The Wicked ». À quand un album de reprises de Lykke Li ?

A moins que ce ne soit Lykke Li qui ne reprenne « Unilateral Disarmament », chanson tubesque. Qui aurait cru que Chauveau pourrait nous faire, à nouveau, chanter ?

Deuxième piste : le retour de la guitare, instrument privilégié du popeux, un (long) temps laissé par Sylvain au profit du piano ici quasi absent (sauf, peut-être, comme source de base pour retraitement électronique). Là encore, il faut chercher du côté des derniers David Sylvian et de Scott Walker pour retracer une telle utilisation détournée. Oserait-on dire qu’on entend une touche de Slint dans « The Unstoppable Sex Machine » ? Un Slint qui jouerait moins les gros bras, un Slint ayant abandonné l’armure de samouraï pour l’ermitage zen s’entend. La cosignataire entend du Grubbs. Possible aussi.

Je ne sais pas si c’est voulu mais, il me semble, et ce sera la troisième piste, que Sylvain a, cette fois-ci, cherché à ne pas combattre (un des thèmes japonisants parcourant l’album) ses influences, notamment celle écrasante de David Sylvian. « Afterwards » en est la preuve, « Into Eternity », aussi, qui en plus d’être une des réussites du disque, est un nouveau dossier en-chanté à rajouter au Petit Livre Noir du Capitalisme, dans le chapitre nucléaire.

John Cage est présent bien sûr. Je l’imagine se penchant sur la naissance de « On The Influence Of Planetary Attraction », ou en mycologue avisé étudiant les « Seven Ways Mushrooms Can Save The World » et écoutant cet impossible silence (ces voix d’enfants présents sur les première et dernière pistes du disque).

Si les structures se sont simplifiées et retrouvent un cadre presque pop, contrairement à l’atomisé « Kogetsudai », et même si les haïkus sont encore très présents, Sylvain utilise à plein régime toutes les possibilités de la musique curieuse d’aujourd’hui. Sur l’épique « Find What You Love And Let It Kill You », impossible de ne pas penser aux textures de Fennesz utilisées ici comme des accords d’orgue, ou à ce qui nous semble être des pizzicati piqués d’instruments à cordes volés à la musique contemporaine. Tout cela au service de la musique populaire et c’est ce qu’on attendait depuis longtemps.

Enfin, dernière piste : le retour à l’organique, à la vie qu’on trouve a priori si souvent absente des compositions électroniques alors que bien souvent, du moins dans le champ expérimental, elle se trouve être au premier plan. La voix en avant, très en avant, de Sylvain se marie à celles de Chantal Acda et de Myriam Pruvot. Une discrète mais émouvante trompette se lie aussi à des jeux d’enfants. Un souffle, des souffles, circulent donc sur ce Post-Tout. On pense, une fois de plus, à Bresson et le tour est bouclé.

Je ne sais pas où le vent portera Sylvain Chauveau après cette clôture magistrale de sa trilogie mais rien que se poser la question en écoutant le disque, c’est déjà passionnant.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *