« Le passé est composé de pièges de nostalgie », nous chante MacCloud Zikmuse dans son dernier album, de post ou avant pop, on ne sait plus très bien, qu’on aime et qu’on aimera toujours. Inconditionnellement.
Depuis le temps qu’on répète que McCloud Zicmuse est un génie, ça va peut-être commencer à se savoir. N’y allons pas par quatre chemins : « Passé Composé Futur Conditionnel » est son meilleur album à ce jour et un des albums les plus enthousiasmants qu’on ait eu à se mettre entre les oreilles depuis longtemps : varié, riche, drôle, efficace, gorgé de références. Bien sûr, on y retrouve la poésie bancale et la pop de peu qui fait tout le charme du Ton Mité mais « Passé Composé Futur Conditionnel » jouit (et nous avec) d’une production en cinémascope, son dolby surround, THX, 4K et tutti quanti. Pour apprécier Le Ton Mité, auparavant, il fallait être un peu curieux, habitué aux étrangetés des musiques populaires bis les plus saugrenues et aux odyssées en 50 mini chapitres mais la production hyper travaillée de ce petit bijou (merci Crammed Discs) devrait faciliter la donne et hisser, on l’espère, McCloud au rang de ses pairs, Deerhoof, Tori Kudo, Chris Cohen, Arlt…
Si « Kumokokudo » était japonais et inspiré en partie d’un voyage dans l’autre pays de la pop, « Passé Composé Futur Conditionnel » est une carte postale de voyage dépliable en 50 volets, du retour en Amérique d’un exilé à Bruxelles. Plutôt que des posts Instagram, McCloud a laissé décanter son expérience pour la recomposer en chansons et morceaux entourés de talentueux amis, tels Anne Brugni, cœur et poumon de McCloud, qui signe les collages de l’album, pochette intérieure et poster récapitulatif des titres, et dont on ne saurait trop recommander son très poétique livre pour enfants signé avec le même Zicmuse, « Bonjour », aux éditions L’Articho/Les Requins Marteaux. Au premier rang des bienfaiteurs du disque se trouve Marc Mélia, magicien coloriste multi-intrumentiste aux claviers fous et presque omniprésents qui donnent un moelleux inattendu aux compositions habituellement moins bien peignées de McCloud et permettent à l’ensemble d’explorer de nouvelles pistes musicales soyeuses.
L’autre surprise, c’est la profusion des instruments à vent faisant concurrence à la guitare, maîtresse privilégiée des musiques populaires modernes, avec moult cuivres et flûtes prenant la place du basson plus habituel sur les productions de McCloud, idéaux pour les morceaux jazzy (« Did Pharoah Sanders Ever Come Back? ») ou soul tels le Marvino-Mayfieldien Class War, dont on devrait urgemment gaver l’oie Trump et l’enfant du pays, le petit Emmanuel M. Puisqu’on en est à attaquer le statut de la sacro-sainte guitare, signalons les interventions uppercut et percussives du… clavecin, sur « Eureka! » notamment, qui annonce l’un des thèmes musicaux qui parcourent l’album et qui prépare l’auditeur et sa mémoire voyageant dans ce passé recomposé à atteindre le titre final et sommet de l’album, qui n’est pas sans rappeler le mélange électro-acoustique de l’inusable « Big Science » de Laurie Anderson.
Comme dans tout voyage, il y a des accélérations temporelles, des ralentissements, des hoquets : on rencontre des amis, des chiens, des danseurs de Butoh ou de square dance offrant des occasions de créer des morceaux plus ou moins longs et riches. Certains amis partagent des (« Al-BBQ-uerque) Pizza »s et offrent leurs compétences musicales tels John Dieterich de Deerhoof. D’autres tels Phil Elwerum de Mount Eerie/The Microphones, absent et pourtant présent sous forme de citation, offrent une occasion de méditation au bord d’un lac (le délicat « Donne Moi une Heure Dans Un Lac » entre gouttelettes de guitare cristalline et sax langoureux). Certains, non nommés et à l’origine du « Jamming Foiré », permettent de régler des comptes notamment avec le rock et les musiques répétitives, Philip Glass en tête. « Hommeling » permet d’”inviter” Linus Vandewolken, double flamand de l’auteur, et son épinette des Vosges (réécouter « Flandra Transgresso » ) pour évoquer le temps passé avec le père, entre retrouvailles et bricolage.
Le voyage dans l’univers bariolé de McCloud Zicmuse vaut toujours le détour et il y a fort à parier que toutes les oreilles popeuses pourront y trouver leur compte. Et puis il est toujours agréable de trouver de l’humour dans la musique, c’est si rare, comme dans cette ode à Seattle, jazzy et neo-grunge, au clip lo-fi et coloré.
On attend donc avec impatience la prochaine tournée en formation multiple (on nous promet un déferlement de cuivres) qui nous permettra de juger live de la nouvelle incarnation musicale du Ton Mité, projet définitivement protéiforme et inclassable.
Il est libre le McCloud. Il y en a même qui l’ont vu voler. Qu’il ne redescende pas de sitôt et qu’il continue à nous promener dans ses curieux paysages où les nuages sont barbus, oranges et bleus.
Marc Melià – Veus – POPnews
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