Voilà un disque qui ne sert absolument à rien. Et donc, comme concluait Jérôme Bonaldi, absolument indispensable. À quoi peut bien servir un disque compilation des meilleurs titres de Wilco sans les membres hautement doués du groupe et leurs arrangements/dérangements ? Simplement à retrouver la magie des titres dans leur essence, leur plus simple appareil et véhicule, soient la voix et la guitare de Jeff Tweedy.
Pour faire la fine bouche, la mauvaise langue et même le malin, on soupçonne même le gros Jeff d’avoir utilisé la technique (on le sait friand de ces choses-là, cf « Random Name Generator »sur « Star Wars ») et le site de Wilco qui permet au public de faire des requests en ligne avant les concerts pour obtenir la playlist idéale de la compil définitive des titres de Wilco (jusque-là). Le tout pour s’engranger une petite compil’ idéale en royalties et se goinfrer sans les copains, le soupçon nous colle aux basques depuis l’échappée double LP « Sukierae » sous l’alias général Tweedy et serait confirmée (ah le complotisme et la relecture de l’histoire indé…) par la rebelote, sans le fiston, « Warm ».
Il présente bien les choses, le tout enregistré dans l’habituel studio Loft de Chicago, bien proprement (mais jamais parfaitement pour laisser de l’air, comme toujours), bien empaqueté sur le label maison dBPM (le business familial).
On aurait bien envie de le pourrir mais on l’adore ce disque. On les adore ces titres. On les retrouve comme en concert, ces instants volés à la vraie vie, hors disques. Impossible (Espagne ?) de ne pas penser à ce concert du Primavera Sound, sur la grande scène, il y a quelques années (pour « Wilco (The Album) »), pendant lequel un problème de son priva en partie la scène d’électricité et Tweedy de jouer « Jesus Etc »… acoustique avec un ou deux petits micro qui, eux, fonctionnaient (tiens…). Eh bien, Tweedy, ce soir-là, avait retourné Barcelone comme une tortilla de patatas.
Je vous laisse voir la liste des titres plus bas, c’est miracle, bonheur. Il ne révolutionne rien mais en gros malin, joue avec deux trois trucs très cool. Genre l’harmonica strident remplaçant le foutoir central sur « Via Chicago ». Selon moi, ce sont les titres de « Summerteeth », sur-représenté dans les choix de « Together at last », qui s’en détachent le mieux. C’est sans doute l’album vers lequel je reviens le moins (mais de plus en plus ! Ne me jetez pas la pierre, Wilcophiles !), certainement à cause de sa production, la plus ouvertement pop, et qui pourrait justifier les accusations, légères et infondées, de groupe mainstream. Dépouillés de leurs splendides oripeaux de bêtes furieuses, on appréciera donc à leur juste mesure, les tubes imparables et classiques « Via Chicago », »I’m always in love »et « In a Future Age ».
L’autre bon point, c’est d’avoir ressorti des trucs un peu plus rares. « Laminated Cat »de sa collaboration avec Jim O’Rourke et qui a scellé le sort de Wilco et de l’éminent percussionniste Glenn Kotche (Loose Fur : deux albums incontournables, « Loose Fur » et « Born Again in The USA » que vous possédez, bien entendu), entre autres, sans parler du rôle central de Jim O’ dans la production des chefs d’œuvres que vous connaissez, que tout le monde connaît et qu’on enseigne même partout (« Yankee Ghost Foxtrot »). Du moins dans les anti-écoles de folk noise.
Ici c’est la joie de la reconnaissance qui préside avant tout et aussi l’impossibilité, un temps levée, d’entendre un reste de l’accord Tweedy/O’Rourke. D’ailleurs, plus que Cohen en son temps, ou le Salinger d’Indochine (pardon…), ce dernier est le vrai génie reclus de notre époque, présent absent et qui justifierait à lui seul, un voyage au Japon pour l’entendre en concert avec ses potes improvisateurs, devant une poignée de spectateurs.
En tout cas, on a ressorti les CDs de « Loose Fur » pour se remettre une petite dose de ses peaux graves et de cette sauce velvet assez inouïe.
Autre pépite, « Lost Love », publiée en 1998 sur le disque « Weird Tales »du super groupe Golden Smog (dont on lira la chronique du second album ici), incluant, outre Tweedy, des membres de Soul Asylum (oui…), The Replacements, The Jayhawks ou encore Big Star.
Chacun se refera donc son petit film Tweedien dans sa petite tête et après avoir écouté ces versions dénudées (seule exception « I am trying to break your heart »mais on ne va pas chipoter pour quelques overdubs…) aura sans doute envie de se replonger dans les productions touffues de Wilco. Peut-être avec un « Muzzle of Bees » (co-écrit avec O’Rourke, ça nous avait jusque-là mystérieusement échappé) qu’on ne se lasse pas de revoir dans l’arrangement parfait d’un groupe classieux capturé par les images du projet « Burn To Shine »(qu’on vous conseille). Quand je pense à la magique cohérence d’un groupe et aux rhizomes d’ondes qui les lient, j’ai toujours ces images de Wilco en tête.
Alors voilà, quand vient le soir et qu’on écoute Jeff chanter « I’m Always in love », je dis à mon épouse : « Il sert vraiment à rien ce disque ». Elle me répond avec un grand sourire : « Oui mais alors on s’en fout totalement. Quand est-ce qu’on chope les mp3 ? ».
Wilco – Cruel Country – POPnews
[…] des traces volontaires de prises directes. Cette ambiance de faux solo sonne comme un rappel de « Together at last » (2017) de Tweedy. Le texte marie cette ambiance douce amère rappelle des épisodes sombres de […]