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Festivals

Festival YEAH!, Lourmarin (Vaucluse), du 5 au 7 juin 2015

Troisième édition du festival YEAH!. Toujours à Lourmarin, toujours autour du château (les terrasses, les caves, le temple). Avec comme les fois précédentes des animations dans le village pendant les trois jours : concours de boules, tournois de football, quadriphonie de DJs sur les cours de tennis, DJ master class, exposition photo (cette année : Renaud Monfourny), etc. Et toujours une programmation soignée, gonflée et ambitieuse. Beaucoup de choses ne changent pas au festival YEAH!, et ce ne sont pas les festivaliers qui vont s’en plaindre.

 

Vendredi 5 juin : « Nos deux corps sont en toi »

Première journée de festival en demi-teinte en ce qui me concerne. Malgré un très bon début avec l’excellent Julien Gasc, seul sur la petite scène. Dans des conditions qui sont toujours difficiles pour les concerts sur cette scène et à cette heure : les gens arrivent au fur et à mesure, discutent, boivent des coups, passent écouter sans être vraiment attentifs, s’en vont, puis d’autres prennent le relais de cette « danse des arrivées ». Trois à quatre dizaines de personnes vraiment là pour écouter l’artiste. Ceux-là se régalent : Julien Gasc enchaine les chansons de son album (« Cerf, Biche et Faon ») dont nous parlions (en très bien) ici. Dans l’ordre de l’album ou presque : « Nos deux corps sont en toi », « Fuck », la géniale et splendide « La Boucle » (qui me fout la chair de poule à chaque écoute)… jusqu’à « une chanson tirée d’une BO pour un soft porn psychologique italien » qu’il a écrite, en passant par un titre issu d’un telenovela brésilien (et donc « forcément évangéliste ») ou encore la reprise en français de « Together » de Harry Nilsson (« Ensemble »). Julien Gasc accompagné seulement d’un clavier Rhodes et d’un iPhone (qui lui sert de boîte à rythmes) réussi à capter ceux qui sont un minimum présents et à les emporter dans son univers faussement bricolé, un peu déprimant et carrément pince-sans-rire. Une réussite. Et une envie : le revoir l’année prochaine au YEAH! avec Aquaserge, sur la grande scène !

YEAH2015 Julien Gasc2

L’autre très très bon moment de la soirée, c’était le concert de The Chap. Soucis techniques avec leur matériel au début, soucis de son sur la scène un peu plus tard, et une corde de basse qui lâche pendant le set, mais rien n’y fera : les quatre membres de The Chap sont à fond… et nous aussi. Leur pop déglinguée est encore meilleure en live que sur les albums, les gens chantent (entre autres) sur « Carlos Walter Wendy Stanley », dansent sur la plupart des autres titres, et le groupe assure le show même entre les chansons : Keith Duncan parle beaucoup, puis décide qu’il parle trop, Panos Ghikas prend le relais, se fait rembarrer avec humour, mais c’est bien la musique, et les chansons hyper efficaces (synthèse de pop et d’humour british) de The Chap qui prennent le dessus et enflamment le public. 

YEAH2015 The Chap4

YEAH2015 The Chap3

Les moins bons (enfin ceux qui m’ont moins touché moi, mais les goûts et les couleurs, hein…) sont Volage, Who Made Who, et (étonnamment) Shannon Wright, cette dernière nous offrant un concert plus qu’honorable, mais sans rien de nouveau, et trop identique (à mon gout) à celui que j’avais vu d’elle il y a quelques années.

Et puis il y a eu Motorama. Une énigme pour moi, et un cas de conscience. Je n’ai rien contre ce groupe, mais, au risque de me fâcher avec les autre rédacteurs de ce site, je dois avouer que malgré de multiples écoutes de leurs albums (dont « Poverty » et « Calendar« , élus tous les deux « disque de la semaine » par la rédaction de POPnews), je n’ai jamais vraiment réussi à accrocher à leur univers. Ça sonne comme de la (bonne) cold wave des années 80, avec quelques effluves de The National dans la voix de Vladislav Parshin, une basse qui a tout piqué à Peter Hook… donc tout pour me plaire à priori. Et en effet, il y a quelques titres de Motorama que j’apprécie comme « Image » ou « Corona » qui sont les premiers morceaux des deux albums susnommés… Mais tout comme j’ai tendance à me lasser au bout du troisième morceau de ces albums, j’ai assez vite sombré dans une sorte d’ennui pendant ce concert (malgré l’engouement des gens autour de moi). Bref, pas réellement mauvais ce set de Motorama, mais pas vraiment intéressant non plus… 

YEAH2015 Motorama1

Entre les groupes, c’est Moustic (Made in Groland), désormais habitué du festival (il a participé aux trois éditions) qui passe des disques. Ambiance électro latino. Les gens dansent et sourient en même temps.

YEAH2015 Moustic

 

Samedi 6 juin : « In the Evening Sun »

La journée s’annonce bien avec une programmation audacieuse et alléchante. Elle commence aussi fort que la veille avec Narco Terror dans la cave du château à l’heure du thé, puis Michel Cloup Solo sur la petite scène à celle de l’apéro.

Narco Terror c’est du rock lourd et vif, avec un fond mélodieux. Comme je l’écrivais déjà lors de la carte blanche qui avait été accordée au YEAH! au mois de février, c’est de la bombe et j’adore… Mais bon, Narco Terror dans une cave, collé au premier rang, ça fait un peu siffler les oreilles… Les frères Puaux (fondateurs de Narrow Terrence, et membres uniques de Narco Terror) sont à bloc, arc-boutés sur leurs instruments, ils enchaînent des titres vigoureux et trash, à un rythme d’enfer.

YEAH2015 Narco Terror1

YEAH2015 Narco Terror2

C’est ensuite au tour de Michel Cloup de nous enchanter. Sur la petite scène, comme l’a fait la veille le Castrais Julien Gasc, avec (heureusement) un peu plus de monde ce samedi. Le Toulousain, seul avec sa guitare, joue des titres de ses deux derniers albums. « Nous vieillirons ensemble », « J’ai peur de nous », « Le Cercle parfait », ou le magistral « Cette colère », chanson sublime s’il en est. Comme la première fois où je l’ai vu interpréter ses compositions sous son nom à Montpellier en 2011, et même dans cette ambiance de fin d’après-midi ensoleillée, la tension est intacte, l’émotion à son maximum, les sons de guitare intenses et les mots parfois douloureux touchent en plein cœur… Comme vous le dites, monsieur Cloup, « Nous vieillirons ensemble », c’est certain.

YEAH2015 Michel Cloup3

YEAH2015 Michel Cloup4

Changement d’ambiance intégral pour le passage sur la grande scène avec les jeunes de Forever Pavot : sourires aux lèvres, effets wah-wah à tire larigot (je crois qu’il n’y a que la batterie qui ne l’utilise pas), sonorités pop psyché de la fin des années 60, leader-chanteur (Emile Sornin) qui serait une sorte de Lalo Schifrin jeune avec plein de cheveux (et une moustache), et musiciens au diapason (avec un petit faible pour le multi-instrumentiste qui joue des congas, de la guitare et de la flûte traversière… parfois des trois en même temps). La musique de Forever Pavot est dansante, et hyper moderne malgré des influences typées. Ce groupe excellent sur scène nous livre un mille-feuilles sonore succulent avec juste ce qu’il faut de lyrisme.

YEAH2015 Forever Pavot 1

YEAH2015 Forever Pavot 2

Entre les groupes, nous avons le plaisir de voir et d’écouter Charlie O, installé sur le côté de la scène. Il martyrise son clavier, vocalise simultanément dans un micro relié à des effets improbables et  pousse le vice jusqu’à nous donner son interprétation de « L’Internationale » (je vous rappelle que nous sommes à Lourmarin… pas vraiment un centre de la lutte ouvrière). Gonflé et jouissif : Charlie O !

Je vais passer très vite sur le groupe suivant (Steeple Remove) : c’était l’heure de manger et leur set n’a pas été plus fort que ma faim. De la même façon, un peu plus tard, il y aura Fujiya & Miyagi. Je n’avais plus faim, mais ni leur pop trop clean, ni leur concert un peu trop aseptisé ne m’ont touchés (du tout). J’en ai donc profité pour faire une pause bien méritée après l’époustouflante performance de Movie Star Junkies. Parce que, oui, un des meilleurs moments de la soirée (et du festival) fut le concert de ce groupe italien. Une pêche d’enfer, des mélodies ravageuses, un chanteur complètement dingue (Stefano Isaia) qui en fait des tonnes, sans trop en faire (je sais c’est un peu contradictoire, mais il est à fond et le fait bien). Une voix à la Nick Cave (jeune), une musique qui serait un mix entre The Wave Picture et les Black Keys (en plus déjantés). Les chansons racontent chacune une petite histoire : sauvages, cinglés, rock, joyeux et tordus, les Movie Star Junkies sont à suivre de près aussi bien pour leurs prochains concerts que pour les albums à venir.

YEAH2015 Movie Star Junkies8

YEAH2015 Movie Star Junkies 7

YEAH2015 Movie Star Junkies 6

En toute fin de soirée, il y avait Black Strobe. Pas mal du tout Black Strobe, mais pas top non plus : je suis allé dormir pour me préparer au dimanche.

 

Dimanche 6 Juin : « Avant la fin »

Ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité… Et pour ce dernier jour de festival, nous sommes gâtés: quatre concerts seulement, mais quatre concert à priori immanquables. Comme pour la première édition, il y a deux ans, cette dernière journée du Festival YEAH commence dans le temple, juste en face du château de Lourmarin, avec Mendelson et Rodolphe Burger.

YEAH2015 temple

Non, vous ne rêvez pas : j’ai bien dit MENDELSON. Pascal Bouaziz, Pierre-Yves Louis (guitare), Jean-Michel Pirès (percussions) et l’indispensable (et toujours classe) Charlie O (orgue Hammond) entrent dans le temple. La déco est au diapason : à la fois sobre et lumineuse. Pascal Bouaziz prend le micro et nous parle en attendant que les dernières personnes s’installent. Ces premiers mots sont déjà (presque) des chansons de Mendelson, poignants et touchants, mais plus facétieux que sur les disques. Puis le concert commence… Avec « La Force quotidienne du mal »… entrée en matière intransigeante, sombre et dense, magistrale, à l’image du set entier de Mendelson. La poésie des textes, l’intensité de la musique, la concentration des quatre artistes et celle d’un public extrêmement attentif exhortent à une émotion soutenue et tendue. C’est tellement beau que j’en pleurerais presque. Une heure. Une heure seulement. Mais une heure à frissonner de plaisir. Un concert que je ne suis pas près d’oublier. Un concert qui m’a fait replonger depuis dans la discographie de ce groupe dont certains pensent qu’il est « le meilleur groupe du monde » (et je ne suis pas loin de penser la même chose).

YEAH2015 Mendelson 5

YEAH2015 Mendelson 1

YEAH2015 Mendelson 6

YEAH2015 Mendelson 3

C’est Rodolphe Burger qui prend la suite. Il fallait au moins quelqu’un de cette trempe pour réussir à nous faire oublier (pour quelques dizaines de minutes) la prestation de Mendelson. Ça commence doucement, avec quelques titres un peu trop mous à mon goût (mais mon entourage n’est apparemment pas de cet avis), puis ça monte en intensité quand Rodolphe Burger passe de sa guitare folk (dont il sort pourtant un son très travaillé et pas folk du tout) à une vraie guitare électrique. Puis Rodolphe Burger laisse sa guitare de côté et chante une nouvelle chanson, très belle, pour laquelle il est accompagné uniquement par Julien Perraudeau qui, comme tout au long du concert, joue de mini-claviers branchés à un ordinateur portable. Il y aura ensuite une version déchaînée de « Samuel Hall », une reprise époustouflante de « Street Hassle » de Lou Reed (avec un texte parlé en français en plein milieu), et un final flamboyant avec le « Eisbär » de Grauzone (ancien groupe post-punk minimaliste de Stephan Eicher) en version électrique et rock. Le public se lève pour applaudir la prestation de Rodolphe Burger… et je pense en moi-même qu’il se lève aussi pour le premier des deux concerts qui a eu lieu dans ce temple.

YEAH2015 Rodolphe Burger 2

Tâche difficile ensuite pour Husbands sur la grande scène : ce groupe a moins d’un an, un seul album, 11 titres en tout et pour tout, et sera le seul groupe de la soirée (avant le très attendu DJ set de Laurent Garnier en clotûre du festival). Laurent Garnier est d’ailleurs déjà là quand nous arrivons sur les terrases du chateau. Il mixe en toute simplicité sur le devant de la scène, comme s’il était un DJ de fête du village… Enfin… ce serait quand même une fête du village de classe internationale…

Husbands n’est pas là complètement par hasard. Tout comme Narco Terror, ce groupe est signé sur Sounds Like Yeah (SLY), le label fondé par les organisteurs du festival YEAH. Déjà vu en février pour la soirée accordée au YEAH à l’Akwaba, Husbands n’a fait que confirmer mes premières impressions : Mathieu Hocine (Kid Francescoli), Mathieu Poulain (Oh! Tiger Moutain) et Simon Henner (Nasser) qui forment à eux trois ce « super groupe » sont vraiment très bons sur scène, et semblent prendre un plaisir immense à jouer en public. Leur (encore petit) répertoire pop-electro-rock est très efficace, et le public ne s’y trompe pas. Quasiment tout le monde danse, chante, et les tubes « Dream » et « You, Me, Cellphones » sont acclamés dés les premières notes, comme des hits intemporels. Des hits capables de plaire au plus grand nombre, en gardant une qualité de construction et de mélodie au top. On ne peut que souhaiter à Husbands une réussite totale et mondiale !

YEAH2015 Husbands 4

YEAH2015 Husbands 3

YEAH2015 Husbands 2 (public)

Le festival se termine donc, comme l’année dernière, avec Laurent Garnier. Un Laurent Garnier en grande forme, et on peut le comprendre, tant cette troisième édition du Festival est une réussite : une programmation soignée, gonflée et ambitieuse comme je le disais au début; une organisation détendue, discrète et efficace ; une fréquentation maximale (les soirée était sold-out plusieurs semaines avant le début du festival); et un public visiblement heureux (et il a bien raison). Vivement le premier week-end du mois du juin 2016 qu’on remette ça !

YEAH2015 Laurent Garnier 2

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