La première édition du festival YEAH! s’est tenue du 7 au 9 juin dans le village de Lourmarin, dans le Luberon. Une programmation pop rock électro éclectique, des lieux atypiques et pittoresques (la « place des bars », le terrain de pétanque, le château de Lourmarin ou encore le temple protestant), l’organisation d’activités annexes et cocasses dans la journée (tournois de foot, de pétanque, ou de beach-volley agrémentés de DJ-sets) ont fait que les places se sont vendues comme des petits pains et que le festival a été affiché complet plusieurs semaines avant son démarrage.
Vendredi 7 juin
La première journée était chargée avec les DJ sets de The Shulgin Twins et Laurent Garnier, puis les concerts, de Oh! Tiger Mountain, Ok Bonnie, The Hushpuppies et Lescop sur la magnifique terrasse du château. Je n’ai malheureusement pas pu assister à cette soirée, mais le lendemain, surpris, je croise Annaïg, une ancienne activiste du forum POPnews (c’est véridique) qui a accepté de me donner ses impressions (retranscrites ci-dessous sans aucune modification) :
« Un festival rock à Lourmarin, dans la cour du château, t’imagines bien que je me suis mise sur mon 31 : Louboutin, mini jupe, lipstick rouge et t-shirt des Hush ! Bon j’ai viré les louboutins direct, car c’était pas trop ça et je suis allée boire de la Vieille Ferme (étiquette Luz collector) avec mon plateau de fromages. Ambiance Route du Rock, dans un des plus beaux villages du Luberon !
Il est bon ce petit vin de la Vieille Ferme et du coup j’ai loupé les DJs set et Oh! Tiger mais je suis arrivée au coucher de soleil sur la terrasse. Je t’avoue que j’ai encore des étoiles dans les yeux et des souvenirs tout émus des couleurs sur les toits provençaux de Lourmarin …
Bon bref, sinon, Ok Bonnie c’est tous les mecs scotchés, langue pendante et bave aux lèvres sur la chanteuse (très bien foutue certes… mais elle était sapée comme moi quand-même zut!!!), un guitariste énervé qui joue le rôle de tête pensante style Jamie Hince, du bon son sexy rock et un duo guitariste / chanteuse qui sait faire le spectacle. Parfait pour commencer.
Ensuite, petite pause Vieille Ferme et ça enchaîne direct avec les Hush. Les Hush, ça sent le Pop In, saint Lô, les pintes de bières, les fans excitées (il est beau comme un camion le chanteur), un petit souffle de liberté et joyeuse folie Strokes/Libertines à la parisienne, bref ça dépote, et je suis contente.
J’enchaîne avec une pause wrap/chien fou (toi aussi tu te demandes ce que c’est ? moi j’étais suffisamment blonde pour poser la question…), une nouvelle Vieille Ferme avec mon pote Oliv (ndlr : également un ancien du forum POPnews, le monde est petit!) et on est chauds pour écouter le set d’… Etienne Daho. Son nouveau groupe, Lescop, est plus rock. Je retrouve le Daho énervé des premières années, ça lui va bien : il fait 20 ans de moins sur scène ! oh ooooohhh, la nuiiit Améééricaiiine … et après je me rappelle plus trop bien, mais c’était top ! Yeah ! »
Merci Annaïg !
Samedi 8 juin
Arrivé à Lourmarin en fin d’après midi, je me dirige vers les terrains de pétanque et beach-volley, attiré par la voix de David Bowie (DJ-set de Kulte Soundsystem). Vers 18h, direction la terrasse du château où tout le monde a les yeux levés vers un ciel quelque peu menaçant… même dans le sud, le printemps 2013 est pourri ! Les organisateurs ont, à contre cœur, installé sur la scène une tente qui gâche un peu la beauté du cadre, mais permettra de prévenir une interruption en cas d’averse (qui n’aura pas lieu).
La soirée commence par un DJ-set du (génial) Luz qui, malgré une programmation succulente et savante, aura un peu de mal à « Faire danser les filles ». Il faut dire qu’il est un peu tôt et que les festivaliers (festivalyeah ?) ne sont pas encore tous arrivés. Il faudra attendre un peu plus tard dans la soirée pour que l’ambiance chauffe et que l’on comprenne, en voyant Luz danser, que le titre d’un de ses album dédié à la musique : « Claudiquant sur le dancefloor » relève sans aucun doute d’une expérience vécue.
Lee Burton & The Busy Band
Introduit, comme chaque groupe du festival, par un petit jingle assez réussi (hommage habile aux trompettes du festival d’Avignon ?), et présenté sur tweeter par Laurent Garnier de la façon suivante : « If like me you’re a fan of FINK or PIERS FACCINI, you’re gonna love LEE BURTON’s album », Lee Burton & The Busy Band avait la lourde charge d’ouvrir les concerts de ce samedi soir (ou plutôt fin d’après-midi). Je ne suis pas certain qu’il y ait eu beaucoup de fans de Fink ou Piers Faccini sur la terrasse du château : c’est l’heure de l’apéro et ça discute pas mal sur et autour de la terrasse (d’ailleurs, Annaïg est allée faire sa « pause Vieille Ferme »)… l’accueil n’est pas des plus chaleureux, et les grecs quittent la scène sous des applaudissement assez épars.
H-Burns
La transition entre les concerts est assurée par d’autres DJ qui prennent la place de Luz (excellente idée que ces DJ-sets !). Puis c’est au tour de H-Burns de monter sur scène. Depuis leurs débuts très folks, jusqu’à leur dernier album très rock, en passant par l’americana de « We go way back », pas mal d’eau à coulé sous les ponts : le groupe est en place dés le premier titre, et la voix de Renaud Brustlein est calée, posée à la perfection. Son chant a incroyablement gagné en assurance, tout comme le jeu de guitare d’Antoine Pinet, et il ne fait aucun doute que les voyages et les collaborations prestigieuses (un split album avec Chris Baley, puis l’enregistrement de leur dernier album, « Off the map » à Chicago, avec Steve Albini) n’y sont pas étrangers.
La section rythmique basse / batterie n’est pas en reste, et l’attention que porte Patrice Coeytaux (batterie) aux autres musiciens pendant tout le set est assez impressionnante. H-Burns nous offre un rock lyrique, teinté de folk électrique et tendu, à la façon d’un Jason Molina (période énervée), ou d’un Crazy Horse (jeune). Ceux qui découvrent H-Burns se prennent une bonne claque, et ceux qui comme moi, les suivent depuis un moment, sont ravis de voir le groupe à son top.
Allah-Las
Annoncée comme LA sensation du festival, les membres du groupe Allah-Las montent sur scène avec la dure tâche d’assumer le rôle de vedette américaine du week-end. Signés sur le label Innovative Leisure (qui a sorti, entre autres, les albums de Nick Waterhouse et Hanni El Khatib), les californiens se mettent en place. Un look vintage venant tout droit des 60’s, des instruments qui doivent dater de la même époque, il entament leur set avec un instrumental (« Sacred Sands ») puis enchainent les titres de leur premier et unique album. Le moins qu’on puisse dire, c’est que leur musique est efficace : leur surf garage retro et dansant fait bouger le public.
Le chant de Miles Michaud, la guitare de Pedrum Siadatian, ou le jeu de basse de Spencer Dunham, évoquent vaguement les groupes mythiques des années 60 allant de the Monkees aux Beach Boys en passant inévitablement par les Beatles du tout début des années 60 (la voix légèrement nasillarde du chanteur faisant parfois penser à celle de Lennon)… Mais sans jamais atteindre la cheville de ces monuments. Le quatuor propre sur lui pourrait aussi s’apparenter aux Brian Jonestown Massacre, mais dans une version complètement aseptisée et beaucoup moins inventive… Le problème, c’est qu’à partir de la cinquième chanson, je commence à me demander si les californiens ne sont pas en train de tourner en boucle (et de nous rechanter les titres du début du set)… Mais tout ça n’est pas très important, vu que les Allah-las savent tenir le rythme et que le public semble rester enthousiasmé et continue à se dandiner.
Zombie Zombie
Autant le dire toute de suite, je n’aime pas l’électro (je sais, c’est idiot de dire ça, mais c’est la réalité). Dieu sait si j’ai aimé Neman en tant que batteur (et joueur de flute) de Herman Düne, dieu sait aussi si j’ai adoré les contribution d’Etienne Jaumet sur les albums de The Married Monk, Flòp, ou Turner Cody… Pourtant, j’avais décidé de ne pas faire long feu pour le dernier concert cette soirée : Zombie Zombie. Etant malgré tout curieux de voir ce qu’allait proposer le groupe en concert (et ayant envie de suivre les bons conseils d’Annaïg qui m’avait annoncé que ce serait le clou de la soirée), je suis resté pour le début de leur set… Je suis même allé me caler sur le tout devant de la scène où deux batteries sont installées (Zombie Zombie sera, ce soir là, un trio, accompagné par Dr Schonberg). J’aime pas l’électro disais-je… Pourtant je me retrouve littéralement scotché sur ce devant de scène. Jaumet en chef d’orchestre, qui joue des claviers, du Theremin ou du saxophone, et Neman v.s. Dr Schonberg derrière leurs batteries, face à face, sur le devant de la scène.
L’univers rythmé et organique du trio me happe, et je me rend compte que Zombie Zombie, ce n’est pas de l’électro (ou alors, que j’adore l’électro) : ils délivrent une musique transcendantale et irrésistible mêlant mantras moites, beats saccadés et improvisations free jazz à la Sun Ra. Etienne Jaumet est phénoménal, Neman justifie plus que jamais son pseudonyme « Cosmic » (je ne pense pas l’avoir vu aussi impliqué et aussi heureux de jouer depuis des lustres), et le Dr Schonberg apporte un réel plus à cette explosion musicale. Cette fois-ci, c’est moi qui me prends une vraie claque… Pour mon plus grand bonheur et pour celui du public qui se déchaîne (dont Annaïg qui danse comme une folle).
Dimanche 9 juin
Retour à Lourmarin le dimanche après midi (à l’heure du thé) pour deux concerts qui se tiennent dans le temple protestant à la décoration plus qu’austère : seuls ornements, les deux panneaux géants accrochés sur le mur du fond, qui rappellent les dix commandements dont le fameux « tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l’Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes portes ». Le septième jour, c’est aujourd’hui… Et pas mal des festivaliers des deux premiers jours ont décidé d’aller se reposer, tout comme Annaïg qui part prendre son TGV pour Paris (avec sa minijupe qui a un peu souffert pendant le week-end, et sa paire de Louboutin aux pieds). En ce qui me concerne, je me dirige vers le temple, parce qu’il est hors de question de louper Laetitia Sheriff et Narrow Terence.
Laetitia Sheriff
Le premier concert de cette dernière journée du festival est un ciné concert : Laetitia Sheriff s’installe à la droite d’un écran sur lequel est projeté « Sa Majesté des Mouches », un film de Peter Brook, d’après le roman de William Golding… et nous, nous installons assis, sur les bancs du temple. « Sa Majesté des Mouches » raconte l’histoire assez terrifiante d’un groupe d’enfants qui se retrouve sur une île déserte suite à un accident, et qui recréé une société sauvage. Le film de Peter Brook, considéré comme un chef d’œuvre du cinéma est aride, tendu et violent, comme le livre dont il est issu. Laetitia Sheriff accompagne l’histoire en musique, depuis le générique du début jusqu’au final asphyxiant. Elle enveloppe ce film de rythmes frappés sur sa guitare classique (ou sur un tom de batterie), d’arpèges vifs, de sifflements apaisants, et parfois (trop rarement ?) de chants mélancoliques et aériens. Laetitia Sheriff arrive avec brio à transcrire la tension de ce film. Elle la fait même monter, parfois, encore plus intensément que ne le font les images et les dialogues (la scène où les enfants montent en haut de la colline et découvrent la « bête »). On peut juste regretter que ses interventions soient par moment un peu trop discrètes, et qu’elle n’utilise pas plus sa voix envoutante, mais c’est sans doute par respect pour l’œuvre de Peter Brook que Laetitia Sheriff s’efface pour laisser la place au film lui même. Ceux qui ont tenu jusqu’au bout ressortent bouleversés (et un peu sonnés) par ce moment de grâce troublant.
Narrow Terence
Le dernier concert du festival est confié à Narrow Terence. Habitué aux sites cultuels (leur dernier album « Violence With Benefits » a été enregistré dans une chapelle), le groupe des frères Puaux se met en place dans une formation « unplugged » devenue classique depuis la sortie de cet album : guitares acoustiques, violon, claviers, batterie et percussions diverses, et trombone. Une formation qui sied à merveille au groupe, qui chantera la quasi totalité de « Violence With Benefits » plus des versions acoustiques de « Sin Sisters » et « Odd Jerry’s Parade » (extraits de « Low Voice Conversation », leur premier album) ou « Weakness of the sheep » (de « Narco Corridos », leur deuxième album) et « The Nobodies », une reprise vraiment réussie de… Marilyn Manson (!!!) sur laquelle Antoine (le chanteur à la voix rugueuse) semble prendre son pied.
Le groupe est en forme, et leur prestation impeccable sert parfaitement leurs textes et leurs mélodies alambiquées. On sent malgré tout que, plus le temps passe depuis la sortie de « Violence With Benefits », et plus les guitares électriques et distordues semblent manquer aux Narrow Terence qui nous délivrent un set acoustique mais très nerveux. Les festivaliers encore présent ce dimanche soir sont conquis (les Narrow Terence ont droit à une ovation d’un public qui se lève, enchanté).
Une belle façon de clore cette première édition très réussie du festival YEAH! Bravo et merci aux trois organisateurs : Laurent Garnier, Nicolas Galina et Arthur Durigon… Vivement l’année prochaine. Et souhaitons longue vie au festival YEAH!