Une porte claque. Alerte rouge sur l’Hérault. Les rues de Montpellier transformées en ruisseaux, désertées. Un mur s’effrite. Des gens qui courent sous une pluie torrentielle. Un passant cherche sa route. Des parapluies qui périssent dans les rafales de vent. Une arrivée au Rockstore après quelques étapes à l’abri. Il y a deux corps sous un porche. On nous rassure assez vite : le concert de Michel Cloup (Duo) aura bien lieu. Comment pourrait-il en être autrement, d’ailleurs, puisque Michel Cloup et Patrice Cartier (batteur et ami de longue date avec Expérience et Binary Audio Misfits) ont joué dans des conditions quasi identiques à Dijon en août dernier et que c’était en extérieur cette fois-là. Le Rockstore est à peine moins désert que les rues avoisinantes. Une petite dizaine de personnes est là au bar avant l’ouverture des portes de la salle, et on ne sera pas plus d’une trentaine pendant le concert. Mais les trente qui sont là savent pourquoi ils sont venus, et ils ne vont pas le regretter. Affûté, attentif, attentionné, ce public réduit a été à la hauteur de la prestation du duo toulousain. Les gens présents ce jeudi soir au Rockstore ont confirmé que la qualité d’un public n’était pas proportionnelle à sa quantité. Et les deux membres de Michel Cloup (Duo) ont confirmé qu’il en était de même pour un groupe de musicien. Le concert commence avec « Je te regarde dormir », une chanson qui n’est pas sur l’unique album du groupe : « Notre Silence« , mais sur le 45T « M.C. Single #1 ». Une chanson que Michel Cloup interprète seul, juste accompagné de sa guitare, de ses pédales d’effets et de son amas d’amplis. Une chanson qui nous plonge immédiatement dans l’ambiance du « nouveau » Michel Cloup : textes intenses et émouvants, simplicité (en apparence seulement) des arrangements, mélanges de sons épurées et d’enchevêtrements de samples et de larsens savants et saturés, et une voix aussi claire que les P90 de sa magnifique guitare. On y est. Réellement. Malgré la pluie et l’orage, ce concert est vraiment en train d’avoir lieu. Michel Cloup chante : « j’ai verrouillé la porte. j’ai éteint toutes les lumières », et nous embarque, avec Patrice Cartier (qui le rejoint pour « Le Cercle parfait ») jusqu’au bout du tracé, jusqu’au bout de cette soirée, loin des préoccupations extérieures.
Arc-bouté sur des textes intimes et émouvants, avec une intensité de jeux rarement atteinte, ce duo impeccable donne vie à ce qui restera sans aucun doute le meilleur album de l’année. « Cette Colère », puis « L’enfant », deux chansons plus fragiles en live que sur le vinyle prennent une dimension différente tout en restant familière. Une batterie tranchante, une guitare qui donne l’impression de ne pas être seule, et toujours cette voix chaude et dense, mi-parlée, mi-chantante qui distille des textes que l’on semble avoir toujours eus en nous. « L’Enfant », le meilleur titre de l’album, reste sans aucun doute également et à tous points de vue le meilleur sur scène. Le rythme de cette chanson, les riffs de guitares et le texte approchent la perfection. Son seul défaut (celui qui fait qu’elle ne sera jamais un tube) pourrait être sa durée, mais cette durée est aussi et surtout une de ses plus belles qualités. Cette durée offre le temps nécessaire et indispensable à la narration de cette histoire personnelle et banale, à sa montée en intensité, et lui procure son universalité (Des qualités qu’elle partage avec le « 1983 (Barbara) » de Mendelson).
Le ton redescend un peu avec « Notre silence » puis « Plusieurs fois cet après-midi », deux titres plus apaisés, même si à la fin du premier, Michel Cloup le rehausse (le ton) avec des samples de guitare saturés, de batterie et de voix mêlés. Générique, petite musique, applaudissements, c’est le temps d' »Un film américain », le dernier titre de l’album, celui qui donne l’impression que la météo s’améliore, celui qui ici aussi clôt l’histoire… ou pourrait le faire, si les trente personnes présentes dans la salle n’avaient fait autant de bruit ! Michel Cloup revient sur scène et lance un « autant d’applaudissements avec aussi peu de monde, je reviens tout de suite ! », souriant, mais nous regardant à peine (faisant ressurgir du coup, du fond de ma mémoire, l’image d’un concert de Diabologum dans les années 90, avec ce même embarras lorsqu’il s’adressait au public). On va changer d’ambiance pour les rappels avec, justement, une reprise de Diabologum, un « De la neige en été », boîteux au début, flamboyant au milieu, et se terminant dans un fracas de sons apocalyptiques et trop forts pour que je ne puisse m’empêcher de me protéger les oreilles. Fracas de sons qui ne décourage pas un public conquis, et bois les paroles de la reprise de Jean-Louis Costes qui suit : Seule la musique est un soulagement, seule la musique est un soulagement.