Loin de moi l’idée de troller avec les loups, je surenchéris d’ailleurs et affirme, avec toute la mauvaise foi qui me caractérise et à rebours de tout ce que j’ai pu lire, que Hot Chip, c’est de mieux en mieux. Il est vrai qu’on peut aussi s’habituer à l’excellence et faire la fine bouche tant Hot Chip a enchaîné tubes et albums depuis une bonne quinzaine d’années (sans parler des projets annexes: « Piano » entre autres). Dans la grande lessiveuse de leur talent, on a passionnément aimé leur électro-pop touche-à-tout, bidouilleuse et recycleuse, leurs intermèdes piano bar soul qu’on chérissait tant (oui, les avis diverge(ai ?)ent sur ce chapitre mais on maintient et le temps nous donnera raison), les hymnes eurodanceet surtout depuis quelques albums, cette furieuse tendance à remettre la deep house et la culture club au cœur de leurs titres les plus killer. C’est pour ça qu’on aimant tant « Why Make Sense? » , bien meilleur qu’on a pu l’écrire et le dire, (« I Need you now », forever, over and over, si on me permet) et qu’on défendra bec et ongles nos petits coqs, ne serait-ce que pour « Hungry Child », centre radial de l’album tout simplement énorme.
Jamais Hot Chip n’est aussi bon que quand il plonge la tête la première dans la house en revisitant toute la baraque de la cave au grenier. Au passage, je ne sais toujours pas si les Hot Chip pensaient à la drogue pour leur titre ou à l’expression d’un quelconque sentiment mystique, comme Lou Reed le prétendait sur son album homonyme et ultime, mais à l’annonce du titre, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à des copains qui avaient tellement consommé de pastilles, qu’ils ne pouvaient plus les avaler que par poignées et que cela les faisait systématiquement dormir. Je parle d’un temps que les fans de Taylor Swift ne peuvent pas connaître et de furieux polytoxicomanes spécialistes en Special K home made à avaler par doses de cheval…
Ce clip amusant, clignant fort des yeux vers le « Da Funk » de qui vous savez, la présence du regretté Zdar et de Rodaidh McDonald (« XX »), tout nous indique l’amour (si Hot Chip n’est qu’une chose, c’est bien l’amour) du groupe pour cet art de la superposition, de la couche, du décloisonnement des genres, réitérant l’exploit que d’autres Daft Punks avaient accompli quelques décennies plus tôt. Et New Order encore avant.
Autre détail signifiant : à la pochette unique de « Why Make Sense? » (réussite, là ou d’autres échouèrent… mais réussirent en fait) succède celle de la version deluxe pour « A Bath Full Of Ecstasy », pratiquant la superposition des crédits, et dont le design a été confié à Fraser Muggeridge et Jeremy Deller. Que Hot Chip en pleine période numérique veille à nous chiader de beaux objets (et de beaux costumes de scène) dignes de la grande époque club, ça aussi, cela fait chaud au cœur. Rêvons d’ailleurs d’une version maxi de « Hungry Child » en attendant celle de « Melody of Love », presque promise.
Hot Chip joue avec toutes ces histoires et avec bonheur. Dans « Melody of Love », ce qui pourrait être, à première écoute, un sample d’un live deep house, se révèle être un extrait de gospel pur jus d’ostie des Mighty Clouds Of Joy. Et en contrepoint, final, « No God », hymne heureux des plus terrestres, capable de vous refiler une belle montée d’endorphines à moindre coût et sans descente difficile à négocier à nos âges canoniques.
De même, alors qu’on attendait un album club suivant le single « Hungry Child », on se retrouve avec un album moins négro/spiritualo-phile que « Why Make Sense? », plutôt électro pop dans la veine de « The Warning » mais réactualisé au goût du jour avec le narcissique et hédoniste « Echo », « Spell », chanson toxique, nous souffle-t-on, plutôt nu soul ou » A Bath of Ecstasy », r’n’b vocodée bien dans les canons de l’époque.
On préfère en tout cas se tourner vers la « Positive » Attitude, pourtant certainement aussi anti Raffarin que Boris Johnson : électrop pop fille de Pet Shop Boys (gros mot en France, point ici) mais extrêmement cheloue, tout comme « Why does my mind » ou encore « Clear blue sky » avec le gros Goddard qui chante à la limite de la brisure. D’ailleurs, on se demande si sur ce disque le bon Joe ne vole pas la vedette au frêle Alexis. Mais je crois que je me dis ça à chaque fois. En tout cas, ce titre rappelle les belles heures d’un Casiotone for the painfully alone, ou d’une Lispector, en version de luxe, et Hot Chip termine ainsi la jonction avec la musique électronique la plus large et la plus intimiste.
Alors oui, on peut préférer les Hot Chip qui nous faisaient danser et pleurnicher en même temps mais en nos tristes temps, la bande à Taylor et Goddard, loin de baisser la garde, et de vouloir tout voir en rose, prend soin de nous et nous retape, body and soul.