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Disques

Saigon – IIII

Saigon - IIII

Voilà presque 10 ans que je suis Saigon, depuis un concert d’été, en short, au Södra Teatern, pour fêter leur retour au bercail après une année berlinoise (d’où le short). Je crois avoir vu plus de concerts de Saigon qu’ils n’en ont donné, si je puis parodier une idole, en tout cas presque autant que j’ai vu de concerts d’Herman Düne à la grande époque. C’est dire.

J’avais cru comprendre que c’en était fini mais les voilà de retour avec ce « IIII » enregistré il y a un an et demi et sortant seulement maintenant (on n’a pas eu le temps avant, dixit le groupe). Fini le temps de l’insouciance, des beuveries, de l’estudianterie : ils approchent de la trentaine. Bientôt l’âge de la retraite, des couches Confiance et du vote au centre, comme dirait Bouaziz (anti-évangile selon Bruit Noir, versets « II/III »).

Ils en sont encore loin. En témoignent ces six titres, assez longs, énervés ou plutôt sur les nerfs, qui opèrent un recentrage sur leur marque de fabrique, le post-punk, avec une rythmique surtendue, hyperprésente et accentuée par tous les membres. Exit Ville Bromander, le bassiste et contrebassiste talentueux, jazzeux et aimant l’expérimentation, qui avait été invité à enrichir le jeu et les enregistrements depuis « Ready For Romance ». Par cette contraction, les quatre membres semblent avoir à cœur de jouer tous à l’unisson du rythme. Et il est dur, brutal et tribal. « IIII » est un album capté presque live.

Exit aussi les textures hyper travaillées de « New World Outro » (citons les apports de Henrik Söderström et John Essing). On sent que les Saigon ont bossé sur l’épure et l’architecture de leur son, privilégiant ce qui peut être refait live, sinon à l’identique (faut tout de même pas déconner), du moins dans les mêmes conditions. « IIII » est donc plus direct, plus prenant aux tripes que trippant comme avant. Fini la déconne, les chœurs ensoleillés, les échappées pop, la danse. Si on a encore envie de danser (c’est permis, sur « Legal Guardian » par exemple) c’est à coup de pogo violent et de mandales dans la gueule du partenaire.

Fini également les rêves éthérés (c’est vrai, relativisons : souvent nauséeux tout de même) qui étaient comme autant de respirations salutaires, proposées par Siri : « Dug » vire plutôt au cauchemar bien de ce monde. On a souvent évoqué le trajet Joy Division-New Order pour Saigon, ici c’est le chemin inverse, avec Mark E. Smith comme saint patron de la gaudriole.

Oskar Carls n’a jamais été autant impliqué dans l’esprit punk et Linus Hillborg dans la retenue sonore, le tout hyper violent pour un groupe qui avait l’habitude d’habiter différents mondes sonores et de textures. « IIII » est le disque de la maturité et de la radicalité. Saigon reste un groupe d’exception, terriblement actuel, qui nous livre l’image sonore de son squelette et de son âme. Impressionnant.

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