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Saigon – Ready for Romance ?

Saigon - Ready for Romance?

Saigon, c’est une histoire d’amour, entre des guitares noisy et des claviers répétitifs, des mélodies entraînantes et imparables et un goût pour les parasitages free, l’énergie brouillonne et furieuse de la post adolescence et le goût pour le travail de la production en studio. Saigon, c’est la réconciliation ou plutôt la fusion des contraires en un gouvernement d’union nationale de la pop music. Après deux cassettes confidentielles mais choyées ici et même chroniquées (« Kassett » et Split cassette avec Fluorescent Heights), le format long, tant attendu, ne déçoit pas.

On retrouve la même puissance du riff acide à la Sonic Youth sur « Ready For Romance » et « Hypnosis 2 :48 » avec des guitares bûcheronnes prêtes à partir en sucette à tout moment mais se réservant pour des explosions puissantes et bienvenues car le rock, c’est bien connu, c’est l’apprentissage de la frustration maîtrisée. Ces deux seuls titres devraient sécher les larmes de ceux qui pleurent encore la rupture des époux Moore/Gordon. Ils nous font penser au savoir faire mélodique de The Pastels (et pas seulement pour le duo de voix mâles et femelles) doté de la puissance de feu de Sonic Youth quand ils étaient encore un poil dangereux (« Let It Shine »).

L’album a également un goût rétro futuriste avec un arsenal de sonorités de claviers, une batterie qui n’hésite pas à taper sur des pads de temps en temps et tout un jeu de traitements de voix et sons qui vont et viennent dans le mix. Comme on les sait joueurs (à l’image du clip de « Undo/Rewind » bidouillé en numérique et repassé à la moulinette de la vidéo), on imagine que le travail de production a dû être coton pour harmoniser le bruit et la fureur, la folie et l’agencement rigoureux.

On retrouve des titres déjà entendus sur de précédents enregistrements comme « Time Flies » (et son frère jumeau  débiloïde « Time Flies part 2 ») mais revenant ici sous des formes nouvelles. Ainsi, le début piano du clavier de « Times Flies » vire vite au cauchemar avec force hurlements de guitares en faveur de la noise sadienne la plus dure pour finir en blocage numérique.

« 2012 », dont on avait fort apprécié le clip, subit une accélération de tempo et la production joue sur des mélanges des parties de claviers et de guitares fondues en un maelström pop qui lacère la chanson par endroits.

Le procédé à l’œuvre est le même sur « Night Fever (Who Could’ve Known) » toujours en grand écart entre deux rythmes donnant une grande profondeur à une parodie astucieuse de rockabilly malade.

Mais la grande surprise de cette petite merveille de science de la pop qu’est « Ready For Romance », ce sont, outre les détails malins partout, les petites bizarreries inattendues, même pour nous qui les suivons de très près (croyions nous), dans cet album. Ce « Night Rider », par exemple, hymne pop glorieux à deux voix bancales, fragile comme une chanson de Belle & Sebastian mais lourdement équipé pour partir en voyage vers d’autres galaxies lumineuses comme du Flaming Lips ou du Mercury Rev.

Il y a aussi le surgissement de l’espagnolade, quasi acoustique, « Git », inouïe, et le tubesque (mais finalement y a-t-il autre chose que des tubes sur cet album ?), « 2113 », qui démarre comme un titre de Suicide ou de Laurie Anderson ayant cessé de se prendre au sérieux, qui amorce un virage serré krautrock et largue finalement son dernier étage dans des nappes de claviers rigolards et hachés, avec une batterie en mode africaniste.

On n’aurait pas non plus parié sur l’irruption de  la douce « Moon » en conclusion, comme un rêve d’une pop passée, lointaine, dans le fond et la forme, tel un écho distant de Roxy Music, ou un reste de vieux tube pop synthétique mais pas toc des années 80. On pense ainsi à l’effet causé par le très beau final « Beth/Rest » sur « Bon Iver » de Bon Iver ou à un retravail lo-fi d’une production du dernier Destroyer.

Idéal pour la plage comme pour une écoute attentive au casque, cet album devrait défrayer la chronique et se retrouver dans toutes les playlists et sur les affiches de maint festivals mais les membres de Saigon, libres et indépendants s’il en est, sortent leur album seuls comme des grands à 350 exemplaires sans promo ni trombones. On peut donc le commander sur leur site en vinyle et/ou en téléchargement légal (comme on dit).

Dansant, festif, pychotropique, dangereux, addictif, pop, rock, free, synthétique et organique, il y a de tout dans ce « Ready for Romance ?  » qui nous prend en traître et nous emmène loin dans ses diverses strates, dans ce mille-feuille pop en douze parts généreuses dont on se régale sans se lasser. 

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