Gruff Rhys revient à Paris afin de promouvoir « Babelsberg« , son cinquième album solo. Après le set douillet de Bill Ryder-Jones, seul à la guitare électrique (les deux compères partagent l’affiche sur la tournée européenne), un public rieur et détendu patiente au son d’ « I Want You (She’s So Heavy) ». Dans une version approchant les 30 minutes, la boucle finale avec choeurs et bruit blanc semble répétée à l’infini. Même les fans hardcore des Beatles se croient piégés dans un jeu de téléréalité, type « Le Prix du Danger ».
Cut. Les musiciens précédent l’entrée de Gruff Rhys qui débarque avec sa guitare et ses pancartes aux slogans poétiques/politiques souvent hilarants.
Ce qui frappe d’emblée : le chef des mythiques Super Furry Animals a bien su s’entourer. Pas de set solo avec guitare acoustique, bandes et gadgets ce soir, on est heureux de le revoir ainsi en formule « augmentée ». Pas de cordes non plus comme sur le disque mais un solide quartet, bien affûté grâce à une vingtaine de dates (USA puis Royaume-Désuni). Et une vraie galerie de personnages : outre l’impressionnant Gruff, on retrouve Kliph Scurlock à la batterie. Dans le registre Keith Moon/Muppets, l’ancien batteur des Flaming Lips s’en donne à coeur joie pour le bonheur de tous. Stephen “Sweet Baboo” Black assure la basse et de très belles harmonies vocales. Et Osian Gwynedd, sosie de Klaus Kinski ou Mani des Stone Roses selon l’éclairage, est aux claviers. Un Américain et trois Gallois. Dans le public, un bonnet Wales/Cymru passe de tête en tête, la camaraderie est au rendez-vous.
Le concert commence et le groupe déroule les titres, tambour battant. La setlist fait la part belle à « Babelsberg » qui est joué intégralement et dans l’ordre.
Même sans les arrangements de cordes, la puissance des compositions laisse pantois. « Limited Edition Heart », mélodie de l’année !
Sur « Colonise The Moon », un titre des SFA, Sweet Baboo empoigne un sax et enchaîne les citations du « Baker Street » de Gerry Rafferty. Gruff ne nous a-t-il pas rappelé en introduction du titre : « Brexit is a bad sax solo » ? On se promène ensuite dans le répertoire du chaman celte qui pioche dans « Candylion« , « American Interior » (très belle version du single éponyme, il est rejoint par Bill Ryder-Jones), « Hotel Shampoo » (une vague de félicité nous emporta sur « Sensations In The Dark »). Les habituels titres gallois sont au programme, dont l’inénarrable « Iolo ». A la fin de « Gyrru Gyrru Gyrru », une orgie sonique semble nous propulser vers le chaos. Le concert s’achève cependant sur la savoureuse ballade « If We Were Words, We Would Rhyme ». Les pancartes défilent : « Applause », « Louder », « Ape Shit ». « Resist Phony Encores » : il n’y aura donc pas de rappel.
Gruff réussit le tour de force de passer en une seconde du sourire désarmant du wunderkind au regard possédé d’un Assurancetourix sous trip. Spirituel et charismatique sur scène, il se révèle plus timide en interview et semble puiser profondément en lui, langage facial à l’appui, pour vous délivrer un message qui s’avère parfois complexe ou drolatique, élaboré toujours.
Réécoutez ou découvrez l’oeuvre de Gruff Rhys sans tarder, sur disque ou sur scène : cet homme est unique.