Loading...
Disques

Bonnie ‘Prince’ Billy – Singer’s Grave A Sea Of Tongues

 Bonnie 'Prince' Billy - Singer's Grave A Sea Of Tongues

Considéré avec une forme de bienveillance confinant à l’indifférence polie, Will Oldham semble malheureusement passé par pertes et profits pour des motifs plus que fallacieux. Preuve en est, “What The Brothers Sang”, œuvre mixte à deux voix, en compagnie de Dawn Mc Carthy (Faun Fables), plongeant avec gourmandise et grande classe dans le répertoire des Everly Brothers, n’a suscité l’an dernier aucune réaction… Toutefois, qui en France, hormis Françoise Hardy, écoute encore Don & le regretté Phil ? Livraison 2014, “Singer’s Grave A Sea Of Tongues” illuminera-t-elle l’automne et (re)trouvera-t-elle le chemin des cœurs volages ? À vrai dire, l’affaire semble hélas irrémédiablement réglée. Voilà un fait accompli fort navrant tant cet album saisit une fois encore le natif de Louisville, Kentucky, dans un état de dépassement proprement sidérant.

Initialement envisagé comme une relecture de l’incompris “Wolfroy Goes To Town” (2011), le présent effort, coproduit par Mark Nevers — l’âme musicale de Lambchop —, reprend 6 de ses 10 titres, pour un résultat oscillant entre country et folk sous haute influence Nashville. Si la matrice pouvait, à tort, dégager un sentiment impénétrable — peut-être trop introspectif pour une séduction immédiate —, ce possible “Redux” fait volontairement fi de toute tentative d’épure ; l’excès élusif s’effaçant au profit d’une spontanéité et d’une vitalité réjouissantes. Ainsi, dès l’ouverture “Night Noises”, l’humeur se dévoile incisive. Sensation confirmée par l’entêtant riff de “So Far And Here We Are”, hymne conquérant et rageur, dont on imagine aisément l’intensité sur scène. Toutefois, la langueur crépusculaire n’est jamais loin, à l’image de la splendide réinterprétation de “There Will Be Spring”.

Si Angel Olsen s’était illustrée sur “Wolfroy Goes To Town”, Caroline Peyton illumine ici “Quail & Dumplings” — prouvant si besoin que l’homme sait toujours très bien s’entourer de fidèles musiciens de sessions, choristes y compris (le magnifique gospel “We Are Unhappy”, souligné par un irrésistible banjo). D’ailleurs, l’orchestration volontairement luxuriante — mandoline, ukulele, steel guitar, orgue, piano et fiddle — entre au service d’un geste nullement inédit dans la carrière de Oldham, pour mémoire : “Bonnie ‘Prince’ Billy Sings Greatest Palace Music” (2004) et le E.P “Now Here’s My Plan” (2012). Valse raffinée (“It’s Time To Be Clear”), ballade en écho au Loner (“Whipped”, éloge d’une exquise ambiguité sur le sentiment amoureux), classique country & western pour saloon fatigué (“Old Match” en lieu et place de “No Match” qui ouvrait “Wolfroy Goes To Town”), joyau sombre (“New Black Rich (Tusk)”), tels sont les atours de cette somme empruntant à la trilogie “I See A Darkness”, “Ease Down The Road”, “Master & Everyone”.

La versatilité étant une vertu cardinale chez le prolifique barde, libre à chacun d’imaginer l’auteur de ce magnifique recueil recomposé souhaitant ou non offrir un nouveau traitement de choix à cette poignée de chansons. Au-delà de l’hypothèse et du ravissement, “Singer’s Grave A Sea Of Tongues” est un sommet.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *