Depuis le séminal « There Is No-One… », les albums de Will Oldham se succèdent à un rythme métronomique remarquable : un par an, sans compter les collaborations et lives. Le revers d’une telle rigueur dans le travail, c’est que l’infatigable bonhomme n’a guère le temps de nous manquer entre chaque disque. D’où la possibilité/facilité d’écouter un peu à la va-vite chacune de ses nouvelles fournées. D’autant que le garçon n’est pas réputé pour surprendre son monde.
Quand on a écouté un disque de Palace (Brothers, Music ou tout court) ou Bonnie ‘Prince’ Billy, on les a tous écouté ? Pas faux. Mais un peu réducteur. Ce qui est sûr, c’est qu’à l’heure où tant d’artistes se la jouent folk vaguement lo-fi et pleurnichard, on ne saurait reprocher à Will Oldham de surfer sur une vague dont il a été lui-même l’un des précurseurs. D’ailleurs, de lo-fi, dans la discographie de l’américain, il n’en est plus trop question depuis une petite dizaine d’années déjà – le comble ayant été les relectures country variétoche mi-miraculeuses, mi-foireuses des meilleurs titres de Palace en 2004.
« Wolfroy Goes to Town » constitue une synthèse parfaite entre l’épure radicale des débuts d’Oldham et la luxuriance de certaines de ses dernières oeuvres (« The Letting Go » en tête). Et ce savant alliage de retenue et de générosité se retrouve sur chaque morceau du disque. Du premier au dernier titre, la recette est peu ou prou la même : sobre début guitare-voix puis adjonction progressive d’orchestrations plus riches – le backing band est impeccable – et de choeurs, et pas n’importe lesquels. Si la voix d’Angel Olsen se fait certes plus parcimonieuse sur « Wolfroy… » que celle de Dawn McCarthy sur « The Letting Go », elle n’en tient pas moins une place essentielle : mystérieuse sur le discrètement chaloupé « New Whaling », rugissante sur la country guillerette de « Quail and Dumplings », presque expérimentale en conclusion du surprenant « Cows » et, enfin, quasi « Arltienne » sur l’implacable « Time to Be Clear » – serait-ce le chant diaphane et ancestral d’Eloïse Decazes qui surgit à la deuxième minute du morceau ? On le jurerait.
Grand cru, « Wolfroy Goes to Town » renferme en sus une des plus belles compositions de Will Oldham à ce jour : « New Tibet ». Il faut y entendre Angel Olsen – toujours elle ! – doubler de sa voix logiquement angélique celle d’Oldham sur ces mots résignés « As boys, we fucked each other, as men we lie and smile ». Aussi sombre que magnifique. A placer non loin d' »I See a Darkness » ou de « New Partner ». Ce genre de chansonnettes.