« Merci à Arthur Beatrice d’être avec nous. Ils sont très sympas. Ils sont très jeunes et très sympas ! ». C’est sur ces mots que Victoria Legrand, la chanteuse de Beach House revient sur scène pour entamer le court mais superbe rappel concluant leur concert nantais. Difficile d’en dire plus sur le groupe anglais qui ouvrait pour le duo américain. Jeunes, ils le sont sûrement, sympas aussi. Leur musique aussi l’est d’ailleurs, sympa. Enfin, elle en a tout l’air. Le garçon caché derrière ses tables de mixage qui fait le son du concert l’est en revanche beaucoup moins : son bodybuildé, même pas beau, pour un groupe qui n’a pourtant a priori pas pour ambition de rivaliser avec My Bloody Valentine dans la surenchère bruitiste.
Stereolux, l’excellente salle nantaise qui a pris le relais du mythique Olympic en septembre dernier comporte deux scènes : une grande, une petite. Je commence à me demander sérieusement si le sondier ne s’est pas trompé de lieu… Je décide d’aller méditer cette question à l’extérieur – le soleil n’est pas encore couché – et de me faire une idée sur la musique d’Arthur Beatrice quand leur premier album sortira. Un jour.
Mais revenons-en à l’essentiel, le concert de Beach House. S’il y a bien un groupe que j’espérais voir sur scène depuis un moment, c’est bien celui-ci. Cette attente n’a été que renforcée par la frustration d’avoir raté de peu le groupe au Haldern Pop Festival (Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne) il y a deux ans. Le duo de Baltimore jouait alors dans un petit chapiteau plein à craquer dans lequel on ne pouvait rentrer qu’au bout de deux bonnes heures de queue… Déjà, à l’époque, il méritait la grande scène. Gageons qu’il aura droit à celle-ci sous peu.
A Nantes, comme pour les différentes dates de la tournée française, Beach House joue sur une petite scène. Et c’est tant mieux. Pas trop envie de voir les fragiles mélopées du duo se perdre dans les abîmes d’une grande salle sans âme. Je pressens pourtant que tout ceci ne va pas durer : le concert nantais est sold out – tout comme celui de Bordeaux la veille.
Alors, ce concert ? Eh bien, à la fois génial et sans surprise. Génial parce que tous les morceaux joués sont bel et bien géniaux, faisant la part belle aux deux derniers albums du groupe, le chef-d’oeuvre « Teen Dream » et le non moins ravissant petit dernier, « Bloom« . Sans surprise parce que c’est exactement ce à quoi on s’attendait. Et Beach House sur scène, ça ressemble à Beach House sur disque.
Ce qui impressionne en voyant le groupe en chair et en os, c’est la richesse, la puissance de son son (et on ne parle pas que de Watt comme pour la première partie) comparée au minimalisme apparent de la formation musicale à l’action : ils ne sont que trois sur scène, Victoria au clavier, Alex à la guitare, accompagnés d’un batteur. Et on est surpris de constater que ce petit groupe arrive à recréer exactement le son des disques sans-même, apparemment, recourir aux bandes préenregistrées (à l’inverse de Blonde Redhead dernière période, par exemple).
C’est sûr, c’est Victoria Legrand, haut perchée derrière son clavier et qu’on devine à peine dans l’ombre d’une lumière qui lui fait constamment dos, qui mène la danse. Même lorsqu’un éclairage illumine subrepticement son visage, c’est pour mieux nous montrer que celui-ci demeure définitivement caché par son épaisse tignasse de cheveux qui virevolte au gré des accords plaqués sur son instrument. La jeune fille au timbre reconnaissable entre mille, tout aussi invisible qu’elle soit, dégage un charisme certain, un magnétisme étrange, quelque chose d’à la fois fiévreux et glacé, proche et inaccessible. Un brin irréel.
Le discret guitariste Alex, deuxième moitié essentielle du binôme Beach House, gentiment penché sur sa Stratocaster blanche quand sa comparse se tient au contraire droit comme un « i », est lui beaucoup plus discret, même si, paradoxalement, il est – au sens propre – beaucoup plus mis en lumière que la mystérieuse Victoria. Son jeu de guitare, le plus souvent économe (quand le garçon est assis) entre en résonance de manière idéale avec les plages synthétiques dressées par le clavier de Victoria, prenant même quelquefois (quand il se lève) une dimension exaltée surprenante, surtout en fin de morceaux, à l’instar du splendide final entêtant et presque noisy d' »Irene », titre qui clôt le concert de manière idéale. Un concert, sans réelle surprise soit, mais de très haute volée tout de même. Exactement le sentiment qu’on a en écoutant « Bloom », le nouvel album du groupe : immanquablement superbe.
Setlist :
Wild
Walk in the Park
Norway
Other People
Lazuli
Gila
Equal Mind
The Hours
Silver Soul
New Year
Zebra
Wishes
Take Care
Myth
Rappel :
10 Mile Stereo
Irene