C’est toujours avec un mélange d’excitation et d’appréhension qu’on aborde le nouvel album d’un groupe dont on a adoré la première œuvre. Sera-t-il à la hauteur de nos attentes ? Ne risque-t-il pas de nous décevoir ? Sera-t-il aussi beau que dans notre souvenir ? Cela n’est pas sans avoir quelques similitudes avec les relations amoureuses, le fait de retrouver l’être aimé après une longue séparation. Or, justement, les relations amoureuses constituent le principal pour ne pas dire l’unique thème des chansons de Cigarettes After Sex. Les histoires d’amour mais aussi et surtout les ruptures sentimentales, les chagrins d’amour et les cœurs brisés. Le groupe mené par l’Américain Greg Gonzalez avait déjà su nous ravir avec ce thème sur son premier album sans titre sorti en 2017. Ces histoires racontées sur un rythme alangui et vaporeux, cette dream pop lascive et sensuelle, on en était tombé amoureux il y a deux ans. Pourtant, il avait fallu une longue maturation pour que ces chansons voient le jour, Greg Gonzalez ayant lancé ce projet à El Paso au Texas dès 2008. Il avait rapidement déménagé à New York (il vient maintenant de s’installer à Los Angeles) mais le premier EP du groupe, intitulé « I », n’était sorti qu’en 2012 et c’est surtout avec le single « Affection » que le groupe s’était fait remarquer en 2015. La formation se compose de quatre membres avec le traditionnel trio guitare-basse-batterie, accompagné de claviers discrets.
Après l’unique single « Crush » en 2018, les Américains reviennent aujourd’hui avec un second album intitulé « Cry », toujours sur le label américain Partisan Records, label en vogue actuellement (Fontaines D.C., IDLES, Pottery…). Encore une fois, il faut souligner la beauté de leurs pochettes d’album. Le premier album proposait le nom du groupe au centre d’une pochette d’une noirceur immaculée. Avec le nouvel album, nous avons droit à une belle photo en noir et blanc (Greg Gonzalez s’avoue fan de Man Ray) d’une mer agitée sous un ciel d’orage, avec toujours le nom du groupe au centre. Pour la musique, on retrouve avec grand plaisir cette guitare gorgée d’écho, cette batterie presque jazzy et surtout cette voix susurrante et androgyne de Greg Gonzalez. Sur cet album enregistré de nuit sur l’île de Majorque, on retrouve également ce rythme ralenti, engourdi mais comme enveloppant, on a envie de se blottir, de se lover dans ces chansons au romantisme exacerbé. Ces histoires de cœurs brisés (« If you’re gonna break my heart, this is a good start » sur « Kiss It Off Me ») et d’amours éperdus (« I’m giving you all my love » sur « Heavenly »). Sur la chanson-titre de l’album, il y a aussi cette histoire d’un amour impossible entre deux personnes dont une ne peut jurer fidélité à l’autre, elle souhaiterait changer, être quelqu’un de bien mais elle n’arrive pas. Pour finir, les deux dernières chansons de cet album qui en comporte neuf (encore une fois, avec Cigarettes After Sex, point trop n’en faut, le premier contenait dix titres) entrent en contraste, entre une histoire d’amour prude où l’on parle simplement de se prendre la main (« Falling In Love ») et une autre aux paroles plus osées (« Pure »).
Alors, il est certain que toutes les chansons se ressemblent et que ce deuxième album est identique au premier, avec peut-être légèrement plus d’ampleur et de rythme sur l’œuvre inaugurale. Mais on ne peut être qu’ensorcelé par ce philtre d’amour. Néanmoins, comme bien souvent dans une relation amoureuse, si, avec le temps, une des parties n’évolue pas voire si elle stagne, les sentiments peuvent disparaître.