Jamais avare d’un paradoxe, Greg Gonzalez signe avec son projet Cigarettes After Sex un premier album à la fois très référencé et diablement attachant. Un disque qui devrait ravir toute personne frissonnante à l’écoute de Cocteau Twins, Richard Hawley ou Beach House.
Aussi étrange que cela puisse paraître, un des grands disques de 2017 sera assurément l’un des moins inventifs que nous aurons eu à entendre. Car il faut bien le reconnaître ici, ce n’est pas de l’originalité, de la novation ou de la surprise que l’on vient chercher dans le premier album de Cigarettes After Sex, le projet de l’américain Greg Gonzalez. Ce qu’on trouve dans ce disque, c’est juste l’essentiel, de l’émotion brute et frontale. Une émotion pas toujours dénuée de maladresse mais une émotion palpable assurément. Ceux qui viendront chercher dans cette nouvelle hype méritée l’excitation de l’inédit risquent de rester sur leur faim.
L’essentiel ne se situe pas là pour Greg Gonzalez. Bien sûr, on a entendu les mêmes mélodies pleines de mélancolie et de sensualité brumeuse. On retrouvera la même androgynie sourde que celle qui retient notre attention dans les disques de Beach House. Entre guitare slide et batterie vaporeuse, la musique de Greg Gonzalez s’enrichit d’un background volontiers désuet, une espèce de Trip Yéyé dénaturé, une forme de naïveté attaquée.
Il ne faudrait pas se laisser duper par le caractère faussement inoffensif de ces bluettes qui planquent leur part d’ombre. On aura tôt fait de qualifier la musique de Greg Gonzalez de « Lynchienne » avec cette certitude d’avoir tout et bien dit. Le problème, c’est que l’on a parfois l’impression de glisser sur cette surface plane, de se lover dans ce confortable objet de transport immobile.
On n’est jamais loin d’une certaine forme de langueur qui nuit parfois un peu à l’attention, la faute à une certaine linéarité monotone. Construit autour d’une économie mélodique, guitare, basse, batterie et quelques nappes synthétiques, la voix étrange… Rien de plus… Une simplicité évidente, quelques lignes d’accords classiques, parfois teintées du jazz que l’on entendait dans les premiers Spain de Josh Haden.
Mais c’est parfois de la simplicité qu’explosent les larmes, que jaillit la brûlure première. On se retrouve alors avec cette inconfortable impression, âpre à définir et à distinguer. Je ne sais pas si vous vous rappelez cette scène finale dans « Twin Peaks Fire Walks With Me » où Laura Palmer (Sherylinn Fenn) est recluse dans la chambre rouge, flanquée d’un Dale Cooper cauchemardesque. On ne sait si elle est dans le territoire du cri, du murmure, dans celui du rire ou du pleur ou encore du hurlement puis monte « The Mystery Of Love » d’Angelo Badalamenti et le doute n’est plus de mise…
C’est peut-être un peu cela Cigarettes After Sex, l’abandon possible…