Wilco et Jean-Louis Murat, même combat. Un album par an, bon an mal an. Certains plus anecdotiques que d’autres, certes, mais toujours généreux, passionnés et passionnants. Comme quoi sortir des rythmes mis au point par les penseurs du marketing des majors peut libérer les artistes. La livraison annuelle de Wilco est le contrepoint presque parfait du « Star Wars » de l’an passé. Là où « Star Wars » était ramassé, teigneux et presque mal peigné, « Schmilco » est un disque apaisé, tout en sourdine, guitares folk et balais de batterie à l’honneur. Comme la bande à Tweedy excelle dans les deux registres, on est à peine surpris. On a même songé que les titres des deux albums avaient pu être enregistrés lors des mêmes sessions pour produire deux disques (quand on sait la prolixité de Tweedy, réécouter au besoin le double LP « Sukierae », rien d’impossible !). En tout cas, nous avons en main et entre les oreilles deux disques frères avec tellement d’effets de miroir qu’on se croirait chez Rainer W. Fassbinder. Par exemple, « Common Sense », chanson flirtant avec l’atonalité, rappelle le hérissé « EKG », tandis que « Locator « , par son thème technophile, nous remémore « Random Name Generator ». Ici encore, Tweedy, avec humour, aborde la métaphysique (sujet Tweedyien s’il en est) et si, on le sait, « Theologians, they don’t know nothing about my soul », »Locator hears me whispering in my home ». Il y a donc bien quelque chose là-haut et on n’est pas perdu, en tout cas dans la géographie Wilcoesque : on y retrouve un soupçon de Beatles, comme toujours (« Someone to lose », « Quarters », « Shrug and Destroy » entre autres), un petit coucou à Madame (en donnant au passage un coup de genou vicieux dans le Band Aid) sur « We aren’t the World (Safety Girl) », un peu d’autobio sur une jeunesse hargneuse et enfumée (« Normal American Kids »).
Pas Foucaldien, pas démagogue, ce « Schmilco« est même assez propret de prime abord. Reste que Nels Cline crache dans la soupe ça et là et salope le travail pour rééquilibrer l’affaire (« Nope« ). Comme toujours, il rajoute son grain de sel et de poivre tricotant ici, grattant là et il est, une fois de plus, à la fête tout comme Kotche, classieux évidemment derrière ses fûts (« If I ever was a child« , ou « Cry all Day« cavalcades tout en retenue). Nous n’oublions pas les Stirratt, Jorgensen et Sansone, patients ouvriers artisans de Wilco, dont le travail ressort peut-être un peu plus sur cette livraison équilibrée et apaisée.
Bravo, encore merci et à l’année prochaine, les copains !