En 2013, Only Real, tout juste diplômé en design sonore, était à l’affiche du Pitchfork Music Festival de Paris. Deux ans plus tard, il publie « Jerk At The End Of The Line », son premier album. Venu le présenter au Festival Cabourg, Mon Amour, on en a profité pour rencontrer Niall Galvin avant son passage à la Route du Rock. Entretien avec un jeune homme de 24 ans d’une rare décontraction.
Only Real est un projet solo. Pourquoi ne pas avoir gardé ton nom Niall Galvin ? Que signifie pour toi ce pseudonyme ?
Je ne sais pas vraiment, je suppose que la plupart des gens trouvent leur nom ennuyeux. C’est bizarre parce que tout ce que j’ai fait jusqu’à maintenant n’est pas séparé de ce que je suis. Cela s’est fait naturellement, j’avais fait quelques chansons que je voulais mettre sur Internet, j’ai demandé à mes amis, ils ont proposé Only Real et j’ai trouvé ça cool. Je n’ai pas cherché à séparer le projet de mon nom, j’ai pensé que c’était ce qui était à faire. On ne pense pas aux mots “Only” et “Real” séparément. Ce sont deux mots simples que j’aime beaucoup, ce que cela représente, les gens peuvent y trouver le sens qu’ils veulent.
Aussi parce qu’on fait la différence quand on parle de toi en tant que personne ou pour ton travail ?
Oui, je suppose mais ce n’est pas une chose à laquelle j’avais vraiment réfléchie.
On dit de ta musique qu’elle est inclassable, comment aimes-tu la définir ?
J’essaie de ne pas la définir moi-même. Le meilleur moyen d’avoir une idée est d’écouter ma musique, en particulier les paroles, que j’aime laisser ouvertes et que l’on peut interpréter selon ses envies, ce n’est pas spécifique, ce sont plutôt des métaphores que tu peux t’approprier selon tes propres sentiments. Tout ce que j’ai fait jusqu’à présent est influencé par la musique que j’ai écoutée en grandissant, du hip-hop et des groupes indie. J’aime faire des chansons catchy et accessibles.
Tu as étudié les arts dramatiques et le design sonore. Tu étais programmé au Pitchfork Music Festival à seulement 22 ans. La musique était une évidence pour toi ?
Oui c’était très tôt, pas seulement dans ma vie mais dans la vie du projet Only Real. C’était la seule réelle option (rires sur “the only real option”) pour laquelle j’ai eu envie de m’appliquer à faire quelque chose.
Je t’ai découvert avec le titre « Cadillac Girl » qui était selon moi la bande-son idéale de l’été. Peux-tu me raconter l’enregistrement de ce morceau et ta collaboration avec le producteur Ben Allen ?
A l’époque, j’envoyais des démos aux maisons de disques par Internet. J’ai discuté avec Ben Allen par Skype. J’ai attendu d’avoir les moyens d’aller le rencontrer aux Etats-Unis et la première chanson que nous avons réalisée ensemble était “Cadillac Girl”. Nous avons tout d’abord posé les bases du morceau avant de commencer à expérimenter. C’est à ce moment que l’on a trouvé ce son de synthé très aigu, avec un côté west coast. Ce son a été révélateur et a servi de fondation à ce que nous voulions faire sur l’album.
Une de mes collègues t’a vu en avril près de Nantes. Elle a trouvé que c’était le moment le plus cool du festival l’Ere de Rien. Tu aimes la France et le public te le rend bien on dirait ?
Oui, j’avais oublié que c’était sur le point d’être mon anniversaire. On jouait vers 23h30 et à minuit le public s’est mis à me souhaiter mon anniversaire pendant que j’étais sur scène et à me donner des bonbons ! C’était un concert très spécial, un peu fou et un très bon moment. Je suis content de te l’entendre dire.
Nantes est la première ville où tu as joué en France, le public te connaissait déjà après t’avoir découvert au Lieu Unique ?
Oui c’était la première fois que je jouais hors d’Angleterre et certaines personnes m’avaient probablement déjà vu là-bas.
On te demande généralement comment tu as commencé la musique, quelles sont tes sources d’inspirations, tes influences… Tu abordes les interviews avec décontraction. C’est important pour toi d’expliquer ta démarche ? Quelle question tu regrettes qu’on ne te pose pas ?
Oui je trouve que c’est important. Cela dépend du genre de personne que tu es. Certains artistes ne veulent pas donner d’interviews ou n’en donnent pas et c’est complètement différent. Ma musique est assez honnête et décontractée et je suis comme ça. (Il réfléchit) Je trouve intéressant pour les autres artistes de connaître l’origine des chansons, ce qu’elles signifient. Je ne le réalisais pas à l’époque mais l’enregistrement est une période qui représente une partie de ta vie. Il y a un côté très nostalgique que j’aime bien partager dans les interviews. J’en profite pour me remémorer les moments en studio, la personne que j’étais à l’époque où je composais mes morceaux, etc.
Tu fais partie des cinq coups de coeur de l’équipe du festival de Cabourg mon amour. Ils disent de toi : « Il n’y a qu’en Angleterre qu’un gamin tout juste sorti de l’adolescence peut se permettre de mettre surf-pop et hip-hop dans le même panier sans se poser de question. Comme King Krule, Niall Galvin éclate les frontières des genres, défait les coutures et s’amuse à créer des pièces où les guitares haut perchées chantent, avec ironie, la vie de la jeunesse londonienne qui soigne sa gueule de bois au whisky-coca. » Te considères-tu comme un représentant de la jeunesse anglaise ?
Non pas vraiment. Je comprends pourquoi on peut penser ça de moi. C’est très flatteur comme description. J’aimerais représenter cela, j’étais très jeune en composant ces chansons, 18-19 ans. Cela fait sens, maintenant j’ai 24 ans, je ne pense plus tout à fait de la même façon.
Dans le clip de « Can’t get happy« , tu apparais sur fond de dessin animé qui nous replonge en enfance. Si je te dis que ta musique fait du bien car elle inspire de l’insouciance, te reconnais-tu dans cette vision de ta musique : ne pas se prendre au sérieux, prendre la vie comme elle vient ?
Oui et non, je dirais 50-50, je ne suis pas stressé mais je pense à beaucoup de choses. Je suis humain, je ne suis pas toujours heureux comme un personnage de dessin animé. Je suis plutôt détendu mais peux aussi être triste. Je suis content que ma musique ait le pouvoir de véhiculer ce sentiment.
En 2013, au Midi Festival, tu arborais un tee-shirt de Yo La Tengo et te référais à eux disant ne pas être capable d’aborder des émotions profondes. Est-ce que tu y songes désormais ?
J’ai dit ça ? J’avais peut-être bu ! Bien sûr, c’est très important de dire ses émotions. La musique est une bonne thérapie pour cela. Je pense que ce que je voulais dire est que je ne suis pas très bon pour gérer mes émotions. Quand j’étais enfant, j’avais du mal à écouter des chansons trop émotionnelles. Je ne veux pas seulement être quelqu’un qui fait de bonnes chansons. J’ai envie d’être une personne entière, de montrer mes émotions. Yo La Tengo est un groupe décontracté mais qui véhicule de la mélancolie. J’adore le côté édifiant de leur musique, qui s’inscrit en cassure complète avec l’immobilisme de notre époque. C’est un de mes groupes préférés, j’ai écouté un de leurs albums aujourd’hui.
Tu joues ce week-end en Normandie, au bord de la mer et très prochainement à la Route du Rock à Saint-Malo, le même jour que Björk (qui a annulé sa présence depuis, ndr). Il y a des artistes que tu as envie de voir dans la programmation ?
J’aimerais voir Hinds, je les trouve drôles mais je reste uniquement le jour où je joue, le 15 août. Evidemment j’ai envie de voir Björk, je ne l’ai jamais vue.
Elle jouera aussi au Pitchfork Music Festival Paris (sa venue est annulée également, ndlr).
J’espère pouvoir y aller car le line-up est incroyable, il y aura Deerhunter (produit comme lui par Ben Allen ndlr). J’aurais vraiment aimé y jouer cette année pour y aller gratuitement (rires).
En profites-tu pour rester en France, visiter, qu’as-tu eu l’occasion de découvrir lors de tes passages ?
Normalement quand tu joues, tu restes la journée et tu repars mais là on a trois-quatre jours à passer en France pour en profiter, dans un cottage, on va pouvoir se baigner… La France est proche de l’Angleterre, on pourrait penser que cela se ressemble mais c’est très différent. Je pense que c’est le pays que j’ai le plus vu en dehors de l’Angleterre. J’aime ce pays, j’aime Paris, je reviens y jouer en septembre (au Café de la Danse).
Pour finir, nous sommes à Cabourg qui est associé au célèbre auteur français Marcel Proust connu pour une expression qui signifie qu’un élément de la vie quotidienne, un objet ou un geste fait revenir un souvenir à la mémoire de quelqu’un. Quel serait le tien ?
Je pense à cet exemple pour quelqu’un du groupe. Tu connais le Cacolac ? J’en ai amené à mon bassiste et il a eu l’impression d’avoir trois ans à nouveau. Pour moi (il réfléchit), c’est vraiment une bonne question. Quand j’étais en vacances aux Etats-Unis, on trouvait des céréales uniquement là-bas, les Teddy Grahams et les Cinnamon Grahams. Maintenant on en trouve aussi en Angleterre mais quand j’en mange, je repense à mon enfance.
C’est une expression très connue en France, pour Proust, il s’agit d’un gâteau qu’on appelle madeleine et qui donne son nom à cette expression.
C’est très drôle. Mon groupe va aimer car j’adore les madeleines ! (Et il répète) Madeleine de Proust.