RADIOHEAD – In Rainbows
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Après quelques années de silence, Radiohead vient de sérieusement secouer l’industrie du disque. Quel coup de pied dans la fourmilière ! Si l’on a déjà beaucoup glosé sur la manière dont le groupe distribue "In Rainbows" en laissant les internautes libres de fixer eux-mêmes le prix de la transaction, il est sans doute trop tôt pour mesurer pleinement les conséquences de cette petite révolution. Mais en tout cas, c’est un disque étrange que l’on écoute : pour le moment, on ne peut pas le tenir entre ses mains. C’est un disque un peu incomplet, aussi : dans quelques temps, les heureux acheteurs de "l’édition spéciale" découvriront huit titres inédits, ce qui changera sans doute un peu la donne.
On entend dire, ici ou là, qu’"In Rainbows" est le meilleur album de Radiohead de tous les temps. Autant l’avouer d’entrée, pour le fan quasi obsessionnel que je suis, ce n’est pas tout à fait le cas. Certes, il s’agit d’un des meilleurs albums de l’année, et haut la main. Indiscutablement, c’est aussi une belle collection de chansons. Cependant, à mon sens, l’ensemble manque de véritable surprise. Et surtout, on ne retrouve pas de cette cohérence, ces correspondances, cette alchimie particulière entre les morceaux qui faisaient tout le charme des albums précédents. Chipotage ? C’est la faute de Radiohead, aussi, qui depuis "The Bends" nous a habitués à chaque fois à tellement de nouveauté et de remise en question !
Pour ce nouvel opus, le groupe a choisi de mettre en sourdine son goût pour l’expérimentation. C’est la voix de Thom Yorke, remarquablement assurée, qui se retrouve en première ligne. Si la production est toujours aussi soignée et plus que jamais proche de la perfection, elle se fait ici plus discrète.
Les dix titres d’"In Rainbows" sont d’une facture plus "traditionnelle". Ils sont dans l’ensemble plus calmes, comme étrangement apaisés, mais (cela va sans dire) toujours aussi profondément mélancoliques. D’ailleurs, de ce fait, certains en deviennent d’autant plus angoissants.
Du coup, à la première écoute, les deux titres d’ouverture, les irréprochables et bouillonnants "15 Steps" (un vrai délice d’électro-jazz tordu) et "Bodysnatchers" (un rock sauvage construit autour d’un riff improbable et bouillonnant), jureraient presque avec le reste du disque ! Après ces deux morceaux solaires, en effet, le rythme ralentit, le ciel s’assombrit et la pluie se met à tomber. Avec "Nude", ballade magnifique (mais peut-être un rien languissante), on commence à voir véritablement apparaître l’arc-en-ciel. Après un "Weird Fishes – Arpeggi" enchanteur, incroyablement maîtrisé, et un "All I Need" ennuyeux, on retrouve le Radiohead des chansons douces et des guitares acoustiques sur le tortueux "Faust Arp". "Reckoner", agaçant avec sa réverb sur les cymbales à fond les ballons, est quant à lui une belle déception, heureusement compensée par un "House of Cards" bouleversant et magnétique. "Jigsaw Falling Into Place", l’une des constructions les plus ambitieuses de l’album, dynamise quelque peu la fin du disque. Mais au bout du compte, après un "Videotape" final famélique et bien gris, on se dit que, pour la première fois depuis longtemps, le groupe n’a pas franchement ajouté de nouvelle couleur à sa palette (déjà bien large, il est vrai).
Disque-somme de chansons un peu glacées plutôt que bond en avant, "In Rainbows" est "seulement" un très bon disque. D’habitude, les albums de Radiohead sont excellents.
Aurélien Gaidamour
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15 Steps
Bodysnatchers
Nude
Weird Fishes – Arpeggi
All I Need
Faust Arp
Reckoner
House of Cards
Jigsaw Falling Into Place
Videotape