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Radiohead – A Moon Shaped Pool

Radiohead - A Moon Shaped PoolLe moins que l’on puisse dire avec Radiohead c’est bien que le groupe ne laisse jamais indifférent. Irritant ? Chef d’oeuvre ou plantage ? Cherchons quelques éléments de réponse ensemble loin de la trop forte passion ou de l’impatience.

Le groupe n’en finit pas de faire réagir à chacune de ses sorties. La blogosphère s’irrite dans une forme de passion peu commune pour ne pas dire d’hystérie collective. Que dire de « A Moon Shaped Pool », une fois que le calme est un peu revenu ?

En ces temps d’instantanéité où tout va un peu trop vite, il est parfois bon de se donner un peu le temps de goûter et de découvrir. Il est toujours difficile de se faire un début d’opinion sur une œuvre d’autant plus quand elle est complexe comme c’est souvent le cas avec Radiohead.

Que dire de ce disque ? Est-il bon, raté ou sans intérêt ? Certains mauvais esprits verront dans ces quelques tentatives d’éléments d’éclaircissements à notre jugement une réponse de normand. Alors soyons clairs tout de suite. Chez POPnews, nous aimons les normands, que dis-je ? Nous adorons les normands !

L’appréhension d’une œuvre peut ne pas être manichéenne. On peut y trouver des choses que l’on adore et d’autres que l’on déteste quand elles ne nous laissent pas froids.

Avec Radiohead et Thom Yorke, le rapport a toujours été complexe. Bien sûr, on reconnaissait le génie au travail mais quelques postures pouvaient nous agacer pour ne pas dire nous irriter. A l’écoute de « A Moon Shaped Pool » nous revient en mémoire cette chronique de feux nos confrères de Magic sur un album de Sigur Ros, une chronique certes méchante mais tellement drôle ou le magazine reprochait ce chant à la manière des cétacés. Il peut y avoir chez Thom Yorke un même maniérisme, un même manque de sobriété dans la voix qui peut repousser sur la durée.

Pourtant, avec ce nouveau disque, il faudra faire taire les mauvais esprits car l’on sent très vite qu’ici il est question de maîtrise de l’espace et d’épure. Après un « Burn The Witch«  punchy mais anecdotique, « Daydreaming » ouvre vraiment le disque avec cette mélodie flottante qui doit autant au « Valtari«  de leurs camarades islandais qu’au Scott Walker deuxième période.

On y croise aussi les réminiscences d’un « Pyramid Song«  d’une autre période avec cette berceuse utérine.

Les mêmes mauvais esprits verront dans ce petit clin d’œil une forme d’autocitation démontrant au mieux la pauvreté de l’inspiration du groupe, au pire un surplace vicié. Pourtant, on pourra leur répondre que sans doute Thom Yorke tente-t-il plus de creuser une idée ancienne pour la traverser de sa maturité nouvelle, de ce que lui-même a traversé.

Sans doute les toujours mauvais esprits décidément endurants ne comprendront-ils pas que « A Moon Shaped Pool » se veut finalement être une œuvre de synthèse, de la discographie de Radiohead, de ses périodes majeures, des joyaux Pop de « The Bends« , des refus des formats de « Ok Computer » ou de la révolution « Kid A / Amnesiac« . Pourtant, sans doute faut-il voir dans cette redite en trompe l’œil une évidente envie de se confronter à son passé.

Le problème, c’est que c’est peut-être la fausse bonne idée de l’album car certains de ses titres ne tiennent pas forcément la comparaison face à leurs ainés.

Certes, on sera surpris souvent par la facilité de dérèglement d’une petite structure folk avec un pauvre drone presque psychédélique comme sur « Desert Island Disk » qui transporte ce squelette de chanson vers une dérive qui ne dépareillerait pas sur un disque de Syd Barrett.

Pourtant, on restera souvent à la porte de certaines chansons, à regret.

Les éternels mauvais esprits qui n’ont pas dit leur dernier mot s’exclameront que le groupe a raconté ce qu’il avait à raconter et puis c’est tout, et point final…

On cherchera quelques éléments de réponse et sans doute que cet effet de surprise, pour ne pas dire de sidération s’est-il estompé avec les années, un peu émoussé.

On pourra également reprocher un peu à Radiohead son petit côté suiveur comme sur ce « Ful Stop«  aux fortes allures de Krautrock (marotte bien connue du groupe) mais aussi au Portishead période Third et donc indirectement à Silver Apples. Là où Thom Yorke était génial, il se satisfait d’une recette efficace, sans grande prise de risque.

On ne serait pas loin de donner raison aux tenaces mauvais esprits qui reprochent à cet album de ronronner gentiment.

Pourtant, comme toujours avec Radiohead, tout n’est pas si simple. L’enjeu de ce disque semble résider dans cette volonté de maîtriser l’espace, de dramatiser les structures mais là ou parfois trop de lyrisme tuait le lyrisme, dégoulinant le long de nos joues comme des larmes poisseuses, là tout semble forger dans un cristal mal poli.

Pour preuve, ce « Glass eyes«  tout en équilibre fragile, en jeu de cordes et de tension.

On s’amuse à trouver la contribution des uns et des autres membres du groupe à chacune de ces chansons. Sans aucun doute, ce titre doit-il beaucoup au seul Jonny Greenwood dont on connait les tropismes pour les espaces d’épures.

Sans doute aussi, a-t-il appris à mettre en scène le flottement d’un instant dans son compagnonnage avec le réalisateur Paul Thomas Anderson. Rien de surprenant donc à retrouver l’auteur de « There Will Be Blood » à la direction du clip de « Daydreaming ».

« Identikit » propose de nouveaux terrains de jeux entre un R’N B squelettique et cachexique, un trip-hop à l’os et un Blues 2.0. Radiohead se montre à nu, sans artifice.

Les facheux mauvais esprits pointeront d’un doigt accusateur et définitif dans certaines redites comme dans « The Numbers » un manque patent d’inspiration. Les plus méchants diront que cela sent le sapin ou le chant du cygne pour un projet fini.

Cela serait aller trop vite en besogne pour des artistes à la créativité généreuse.

En témoigne ce « Present Tense » aux vertus presque tropicalistes et ce travail sur les voix comme des contrepoints d’ombres.

Chez Radiohead, la voix a toujours été un facteur d’émotions. Ici, elle se veut également rythmique. Cela peut sembler tout simple dit comme cela mais cette toute petite idée amène ce titre vers quelque chose d’autre, vers une dimension inédite. On y sent le goût de Greenwood pour les chorales d’Olivier Messiaen.

Car qu’on le veuille ou non, mauvais esprits ou pas, Radiohead est de ces rares artistes à avoir su faire se rencontrer sans confrontation les musiques savantes et une certaine vision de la Pop.

Que dire d’ »A Moon Shaped Pool«  ? Sera-t-il l’œuvre testamentaire d’un groupe majeur des années 2000 ? Seul l’avenir pourra nous le dire.

Ce qui est sûr, c’est qu’il n’est ni honteux ni sublime. Sans doute pâtît-il trop de l’ombre de ses aînés. Sans doute faudra-t-il le laisser grandir tranquillement en nous, à côté de nous. A vous de choisir votre camp, celui des mauvais esprits, des biens contents ou des normands. Et pis c’est tout !!

 


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