Si la métaphore saisonnière n’était éreintée depuis belle lurette, on hésiterait sans doute quand même à qualifier ce nouvel album de Peter Von Poehl – ou du moins à le situer sur le fil cyclique de l’année. Les climats y sont à la fois doux et luxuriants, mélancoliques et chaleureux – non tour à tour, mais tout cela à la fois semble-t-il. Avec un peu de retard, permettons-nous quelques mots sur un disque qui marque le retour – discret, comme à son habitude – d’un auteur compositeur arrangeur à une place de choix sur le paysage pop : pas très loin des sommets.
Von Poehl a voulu se renouveler, et a choisi une option incongrue : une pop orchestrée et écrite, mais enregistrée comme du lo-fi – de fait, en une seule journée pour l’album complet. Bien lui en prit. Dès l’introductif « Orders and Degrees », l’orgue un peu vintage plonge l’auditeur dans une profondeur languide, néanmoins ornementée d’un orchestre – notamment de cuivres – qui met les morceaux sur orbite, leur fournit leur texture et leur densité, et les met à distance de tout minimalisme. Même si Peter est depuis bien longtemps expatrié ailleurs – notamment en France – on ne peut s’empêcher d’y voir une patte scandinave incroyablement fructueuse ; il nous expliquait d’ailleurs ici-même il y a quelques années l’influence de la culture traditionnelle suédoise sur ses orchestrations.
On ne passe pas loin du petit tube avec « The Archaeologist » ou « Twelve Twenty One » (enfin, dans mon hit parade personnel) ; alors certes, les orchestrations ne se départissent pas toujours complètement de leur côté décoratif, mais en contre-partie, la facilité avec laquelle le Suédois fait germer des mélodies qui évitent constamment le routinier ou l’attendu est confondante. La voix de tête, fragile, un peu nasillarde du chanteur, finit par emporter le morceau, notamment sur les morceaux plus lents (« This One’s For You »).
Le mariage de la luxuriance et de la confidentialité, loin d’être de raison, est bien au contraire un bel ode à la vie.
Après le petit passage à vide de May Day – un peu mainstream, peu inspiré, vaguement chewing-gum – « Big Issues Printed Small » ramène directement Peter Von Poehl à la case départ, celle de l’inusable Going to Where the Tea-Trees Are, la surprise de la découverte en moins certes, mais la joie des retrouvailles en plus.