PETER VON POEHL – May Day
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Autant le dire d’entrée de jeu, j’aime beaucoup Peter von Poehl. Outre les qualités intrinsèques de sa musique, laquelle fait agréablement fi des modes et des courants, ce qui m’impressionne chez le Suédois francophile vivant à Berlin, c’est justement le polymorphisme presque nonchalant dont il fait preuve, un peu comme s’il n’y avait rien d’extraordinaire, débarquant de sa Suède, à avoir été impliqué dans des projets complètement contrastés voire antagonistes tels que A.S. Dragon, Burgalat, Tricatel et compagnie ; la direction musicale d’un album de Vincent Delerm ; la production et la participation active sur "Outland" de Marie Modiano (déjà plus proche de l’univers de Peter), j’en passe et des meilleurs. Bref, notre bonhomme a tellement de cordes à son arc que les flèches qu’il tire doivent forcément, si pas toucher le centre, à tout le moins trouver la cible. Et peu importe qu’on aime ou non les artistes précités puisque, à l’exception de Marie Modiano – qui signe d’ailleurs les paroles sur six morceaux de ce "May Day" -, aucun pont n’est à faire entre ces projets extérieurs et la pop/folk/soul intemporelle de Peter. Et ce qui ne gâche rien, c’est que c’est dans ses entreprises personnelles que notre archer met à chaque fois en plein dans le mille.
C’est l’univers intimiste et le côté "chant de Noël", pour reprendre l’expression du songwriter, qui m’avaient complètement séduit sur "Going to Where the Tea-Trees Are". Pour cette seconde pièce, les arguments ont évolué : l’intimisme a quelque peu ouvert la voie à un plus large public. La plage inaugurale pourrait d’ailleurs laisser croire que le charme cliquetant de l’entreprise des débuts a fait définitivement place à une grosse machinerie trop bien huilée. Heureusement, même si la manufacture a certes pris de l’ampleur, ça reste bel et bien de l’artisanat, c’est juste que les chevaux de trait ont été rejoints par quelques puissants moteurs. Sur "Parliament" en particulier, Peter, emporté dans son élan, frise le mainstream, avec des orchestrations aux cuivres policés, et une approche vocale à la Phil Collins qui n’est pas des plus judicieuses, bien que sympathique au final. Mais c’est là parler des quelques grains de sable qui craquent, sans gravité, dans les rouages calibrés de "May Day", pour mieux mettre en exergue les qualités débordantes de cette belle ouvrage. Dès le second titre, la musique de Peter va regagner ses lettres de noblesse, avec même quelques galons en prime. On y retrouve ses sons bien particuliers de vibraphone, de piano, d’orgue et de clavier, ses cuivres grinçants, ses claps et ses guitares, et cette batterie, instrument que le musicien utilise comme un outil mélodique de plus. Contrairement à "Going to Where the Tea-Trees Are" qui s’essoufflait un peu sur la longueur, "May Day" ne fait que s’intensifier au fil de l’écoute, et finit même en apothéose avec le sublime "An Eye for an Eye". Peter, si je peux juste te lancer un challenge pour ton troisième album, c’est de me faire oublier qu’un jour j’ai évoqué Phil Collins en parlant de toi.
David Vertessen
A lire également, sur Peter Von Poehl :
l’interview (2007)
la chronique de « Going To Where The Tea-Trees Are » (2006)
Parliament
Dust of Heaven
Forgotten Garden
Near the End of the World
Carrier Pigeon
Mexico
Mexico Part II
Moonshot Falls
May day
Wombara
Lost In Space
Silent as Gold
Elisabeth
An Eye for an Eye