Sam Genders n’est pas homme à se reposer sur ses lauriers (preuve en est son départ de Tunng, groupe pourtant loin d’être sur le déclin !). « Black Light » était un premier album plutôt passionnant et très (trop?) porté sur les arrangements et les sonorités, en particulier rythmiques et électroniques. « Phantom Power », premier extrait accrocheur et souriant de « Chromatics », laissait présager pour celui-ci une approche plus directe (annoncée par l’auteur lui-même, d’ailleurs).
Si on en est pas vraiment au folk minimaliste évoqué par Genders, force est de constater que là où sur « Black Light », d’aucuns pouvaient penser que les expérimentations diverses avaient tendance à prendre le pas sur les mélodies, ici c’est nettement l’inverse. Sans être toujours aussi immédiate ou optimiste, la suite est donc dans la même veine, mais l’animal a suffisamment de talent pour tenir la distance sans faiblir. En variant les ambiances également : comme il le dit lui-même, « Chromatics is life in Technicolor; with all its ups and downs ».
Entre presque hymnes pour stade de poche (« Desolation », « Gentle Morning Song »), virées délicieusement rêveuses, voire psychédéliques (« Shapes », « Serpent »), et pop brillante (« Dirty Broken Bliss » ou le beatlesien « The Light & the Noise »), la palette est large. « Brain » réussit un très beau passage d’une ombre quasi-dramatique à une illumination chorale que n’aurait pas renié Sufjan Stevens. Et il faut aussi posséder un minimum de grâce pour nous chavirer sur des vignettes tendrement rétros comme « Chromatics » ou « Just a Hair’s Breadth », ou se payer un élan de pure bienveillance avec « You Can Talk to Me » sans qu’on y voie mièvrerie.
S’il n’a pas abandonné ses velléités d’arrangeur, Genders s’est sans doute prouvé, si besoin était, qu’il pouvait toujours compter sur ses talents de mélodiste. Fort de cette confiance, il nous apprend sur son site qu’il bénéficiait d’une invitation à une résidence en Chine, et avait bien l’intention d’en profiter pour explorer de nouveaux territoires. Nul doute qu’il saura venir nous les raconter, pour une saison 3 qu’on attendra l’eau à la bouche.