Parmi les grandes réjouissances de ce début d’année, les disques qui m’ont donné le plus de plaisir cette année sont le « II/III » de Bruit Noir et ce nouveau Michel Cloup Duo. Ça peut paraître étonnant parce qu’on devrait bannir certains mots antinomiques. J’ai pris et je prends beaucoup de plaisir (oui, oui du plaisir !) en écoutant le dernier Bruit Noir. Je me suis marré comme un bossu, avec ma fâââme, dans la cuisine, en le découvrant et je trouve une sacrée forme, insolente comme on dit, aux deux gaillards Pirès et Bouaziz. Merci d’exister les gars ! Ma sœur n’ayant pas de blog, je suis obligé de suppléer (et de paypaliser)…
C’est pareil avec ce nouveau Michel Cloup Duo, disque faux-frère de « II/III » de Bruit Noir. Je suis bien obligé de reconnaître qu’il est tout aussi jouissif. Et qu’en cette période géniale, pleine d’espoir et de joie partagée dans les open space ou sur les ronds-points, il est bon de se plonger dans ces deux lectures du moi et du monde.
Un peu comme avec le Bruit Noir, on est en terrain connu et déstabilisé en même temps. Qu’est-ce que c’est que cette joie subite ? Ces rythmes syncopés ? Cette surenchère (oui, très relative quand même) d’instruments/machines ? On est loin de « Notre Silence », leçon de Ténèbres lo-fi, qui nous avait retourné comme des petites crêpes suzette cramées et pourtant, l’effet est le même. Comme s’il avait suffi d’un nouveau batteur, Julien Rufié (présent depuis « Ici et Là-bas »), pour se donner un Second Souffle quasi Melvillien (« Et bien au-delà »). On est presque chez Shellac là. On est subjugués par tant d’efficacité, de maîtrise, de musicalité dans les fûts. C’est une régalade. Duo. DUO.
A moins que ce ne soit… ces machines (ce sample final étonnant de « Nous perdre dans nos rires ») ? Pourtant, là encore, rien de nouveau dans la carrière de Cloup mais elles font vraiment corps avec la musique hyper organique, brute du Duo. C’est un accord véritablement « Gagnants » comme avec ce clavier hyper lo-fi (en fait sans doute un Korg E Smithien) sur « Les vrais héros ne meurent jamais »qu’on croirait échappé d’un inédit de Peter Parker Experience. Et tout fait sens. Le présent, le passé, les influences se télescopent. « Les vrais héros ne meurent jamais », titre écrit après la mort de Mark E. Smith, paraît-il, mais avant de lire l’excellente bio de l’ami Pierre Lemarchand, on y a entendu d’autres morts, plus vivants que jamais, Lou Reed (sans Metallica mais avec ses p’tits potes du Velvet d’avant la brouille, la leur, les nôtres…).
Des télescopages, il y en d’autres. Et c’est là sans doute la véritable trouvaille du disque que de mêler journal intime et visions de réalités alternatives, que de jeter le trouble et le doute dans l’oreille. « Gagnants », « Amnésique heureux », « Les Invisibles », tous gorgés de joie nous permettent de goûter une autre facette (l’autre pôle ?) des Michel Cloup Duos. Et c’est aussi bon que les dézingages en règle de l’autre duo de Bruit Noir. Je me demandais (et me réjouissais par avance de) ce que Bouaziz écrirait, peut-être, sur les Gilets Jaunes (dans le « III/III » ?), « Amnésique Heureux », »Les Invisibles », « Et bien au-delà », sont des façons détournées de pré-entendre quelque chose qui tournerait autour. Et le mieux dans tout cela, c’est que ce n’est même pas sûr.
Tout sens clair nous est refusé contre une poétique de combat. Les émouvants « Futur dans tes yeux », familial, et « En ne pensant à rien », amical, qu’on veut prendre pour vrai, côtoient « Le Jour d’après » et « Celui qui suit », sur lesquels planent le doute. D’autres clairement alternatifs, « Les Invisibles », « Et bien au-delà », sont à la fois très proches et fort éloignés d’une quelconque réalité.
Après tout, on s’en fout tant qu’on a l’ivresse des sons et des idées. Alors soyons aussi joyeux maintenant et confiants dans le futur avec Michel Cloup Duo qu’on peut être cyniques, indécrottablement désespérés et (é)gorgés d’humour noir avec Bruit Noir, ces deux voies/voix sont possibles. Et recommandées.