Après avoir signé quatre albums sous le nom de Laish, Danny Green a lancé avec bonheur son nouveau groupe, DG Solaris, avec sa femme Leana. L’Anglais revient sur la genèse du premier disque de la formation, écrit à quatre mains.
Peux-tu nous présenter DG Solaris ? Le groupe est une sorte de « super-Laish » non ?
Je dirais que DG Solaris, c’est tout simplement mon nouveau groupe, avec ma femme, Leana. On y retrouve Matt Canty à la basse, Tom Chadd aux claviers et notre nouveau batteur, Matt Hardy, même si c’est Jools Owen qui joue sur l’album. Toutes les chansons ont été écrites par Leana et moi.
Qu’en est-il de Laish ?
Laish est mort, longue vie à Laish ! Cela faisait quelques temps que j’avais envie de réinventer mon univers musical, et lorsque j’ai écrit cet album avec Leana, cela me semblait le bon moment pour le faire. J’aime toujours les chansons de Laish mais je voulais marquer le coup pour un nouveau départ, et donc avec un nouveau nom de groupe.
Peux-tu nous décrire le processus de création de Spirit Glow ? C’est un album né en Amérique du Sud, non ?
Les chansons de l’album ont été écrites après ma rencontre avec Leana. Quelques-unes à Londres mais la plupart ont vu le jour lors de notre voyage en Amérique du Sud. Nous nous sommes mariés alors que nous ne nous connaissions que depuis six mois. Pour vraiment apprendre à se connaître, on a économisé et nous sommes partis pour six « nouveaux » mois en voyage en Amérique du Sud. La plupart du temps, nous avons essayé d’éviter les grandes villes pour explorer la jungle, les montagnes et les plages, au Chili, au Pérou, en Colombie et au Mexique. C’était vraiment le voyage d’une vie pour nous ! Comme on avait déjà commencé à écrire quelques chansons, on s’est dit que cela pourrait être marrant d’écrire carrément un album pendant ces six mois. J’avais apporté ma guitare, mon ordi, un micro et un petit clavier, juste assez pour pouvoir enregistrer des simples démos. Au bout de six mois, nous avons réalisé que nous avions un album… et que nous voulions toujours rester mariés !
De retour à Londres, nous sommes allés directement en studio, pour rester dans l’esprit et l’élan du voyage. J’ai l’expérience d’enregistrement d’albums (quatre sous le nom de Laish, NDLR) et je sais comme les choses peuvent traîner parfois. Et je savais que nous allions assez vite être pris par d’autres engagements. Donc nous n’avons pas perdu de temps et travaillé à plein temps sur l’album. En deux mois, c’était fait.
Est-ce complètement différent de composer à deux voix ? Celle de Leana est superbe, mais très haute : est-ce compliqué d’écrire (et de chanter bien entendu) avec une telle voix ?
C’est vraiment super d’écrire avec Leana ! Même si c’est une musicienne très douée et très expérimentée, c’était pourtant la première fois qu’elle se lançait dans le « concept » d’écrire des chansons. Elle n’a donc pas le même background que moi et n’a eu aucune pression concernant ce que « doit » être une chanson ou par rapport à mon histoire avec Laish. Ensemble, nous avons écrit plus vite que je ne le fais tout seul. Et c’est un défi très intéressant d’écrire à deux voix. Pour moi, cette deuxième voix doit avoir sa raison d’être. Je sais que pour l’auditeur, cela peut être troublant d’avoir deux voix principales sur un album, voire parfois dans une même chanson ! J’espère que ça marche !
L’album est assez varié. On y trouve des chansons de pure pop (“Spirit Glow”, “Feeding a Feeling” “Don’t Need to Tell You”…), d’autres plus “atmosphériques” dans la deuxième moitié de l’album, ou encore un finale typiquement folk.
Nous voulions que l’album « emmène » l’auditeur dans un voyage immersif pour explorer différents états émotionnels en utilisant une large palette musicale. Certaines chansons comme “Spirit Glow”, “Forgiveness” et “I Will Hold You” sont jouées uniquement avec des instruments acoustiques, alors que d’autres comme “Total Understanding” et “Breath of the Wind” sont « imbibées » de couches de sons synthétiques. J’aime quand un album est varié tout en gardant l’auditeur intrigué et curieux. En même temps, toutes les chansons fonctionnent plutôt bien en mode guitare-voix, et nous devrions les sortir comme cela plus tard cette année.
Peux-tu nous dire quelques mots sur la chanson “Brother I’ll Ask Her”, une de mes préférées ? Peut-être est-ce parce que je suis français, mais les paroles sonnent très… différentes ou même… carrément bizarres !
Oui, c’est peut-être la chanson la plus bizarre de l’album. Elle a été écrite dans la jungle péruvienne, après une semaine de fièvre hallucinogène. Nous voulions créer quelque chose pour capter ce sentiment troublant et inquiétant, en faisant allusion à la culture chamanique qui nous entourait. Ça a été probablement la chanson à la fois la plus complexe et la plus agréable à enregistrer. Je n’ai aucune idée de comment elle peut résonner. Certains disent qu’on dirait du ABBA, mais je ne sais pas si c’est une blague ou pas…
Que peux-tu nous dire sur la pochette de l’album, signée par l’artiste Mariano Peccinetti ?
J’ai découvert le travail de Mariano sur Instagram il y a quelque temps déjà, et je suis très fan. En voyant cette image, j’ai tout de suite su que c’était pour l’album. Le mélange de la nature avec les montagnes, les couleurs de l’arc-en-ciel, l’image circulaire qui me rappelle une tranche de vinyle et le ciel psychédélique. Cela a réellement nourri mon inspiration et je trouve que le rendu est superbe.
Grâce à Talitres (le label de Laish) et à des très bons retours dans la presse française, tu as beaucoup de fans en France. Y-a-t-il une relation particulière avec la France ?
I love France! Mes premières vacances à l’étranger, c’était en France et j’y ai passé beaucoup de temps ! Et le fait que les Français ont si bien accueilli ma musique n’a fait que renforcer mon amour pour votre pays. Il n’y a rien de mieux que de jouer dans une ville que tu connais à peine et voir que ton concert est complet, avec une salle pleine de fans heureux de te voir jouer. C’est ça, la France pour moi. En plus, bien entendu, la cuisine est délicieuse et croyez-moi, la cuisine est souvent la deuxième meilleure raison de faire une tournée, après les concerts bien sûr…
Comment as-tu vécu le confinement ?
Évidemment, cela a été une période très bizarre. Je naviguais entre des envies de création et une tendance à ne rien faire du tout, ce qui est une perte de temps. En tant que musicien qui a un album à sortir sans être capable d’organiser le moindre concert, sans même savoir quand cela sera possible à nouveau, c’est très démoralisant. La promotion de l’album a été très compliquée. Toute l’industrie de la musique est en état de choc.
Nous avons toutefois enregistré l’album acoustique dont je te parlais tout à l’heure. J’ai aussi travaillé sur de nouvelles chansons, produites à la maison, que je publierai plus tard cette année je pense. Plus quelques chansons avec Jeremy Tuplin qui sont presque terminées.
En dehors de la musique, nous nous préparons à la naissance de notre premier enfant, prévue pour septembre, ce qui nous prend pas mal de temps, tu t’en doutes ! Tu pourras m’interviewer l’année prochaine sur les effets de la paternité sur ma créativité !
Plus de 1 500 artistes de Grande-Bretagne ont signé une lettre envoyée au gouvernement anglais sous le hashtag #LetTheMusicPlay…
Ce qui arrive avec la crise du Covid-19 est dévastateur pour l’industrie de la musique. Depuis que tu m’as envoyé tes questions pour cette interview, le gouvernement s’est engagé pour aider les « artistes » avec une immense enveloppe. Mais aujourd’hui, on ne sait toujours pas où va aller l’argent. J’espère juste qu’ils n’oublieront pas les petites salles. C’est un business très fragile. Il est déjà compliqué de gérer une salle de concert, alors être obligé de fermer pendant des mois aura forcément des conséquences. Beaucoup vont devoir mettre la clef sous la porte, c’est triste. Je crève d’envie de retourner sur scène mais je ne me plains pas, cela pourrait être pire.
Tu remercies Eric Pulido de Midlake (l’album a été enregistré dans le studio Bella Union), Ezra Furman ou encore Salim Nourallah : sont-ils des sources d’inspiration ? Quels groupes écoutes-tu en ce moment ?
Oui, ce sont tous des amis, en plus d’être évidemment des musiciens talentueux et des sources d’inspiration. J’ai d’ailleurs passé un super moment avec Salim et Marty Willson-Piper (membre de The Church, groupe australien existant depuis les années 80, NDLR) au Texas fin 2018. J’y ai aussi rencontré Eric Pulido. Il devait jouer ensuite au festival End Of The Road (superbe petit festival près de Bristol, NDLR) l’an passé et il est venu avec son groupe me voir jouer à un concert que je donnais chez moi. C’était une soirée magique ! Enfin, j’ai rencontré Ezra plusieurs fois depuis ses premiers concerts à Londres. C’est d’ailleurs dingue de la voir cartonner aujourd’hui, alors qu’avec son groupe, il a commencé dans des salles minuscules. Ezra est quelqu’un d’adorable et d’authentique, avec un talent fou. En ce moment, j’écoute beaucoup Dirty Projectors, Nuala Honan, Ren Harvieu, Sufjan Stevens, Daniel Knox, Mesadorm, Twain, Electric Soft Parade ou encore Alice Phoebe Lou.
Pourquoi as-tu choisi de travailler à la production de l’album avec Iggy B (John Grant, Spiritualized, Elbow…) ?
Pendant que nous étions en Colombie, nous nous demandions avec qui nous pourrions travailler pour l’album. On avait des idées mais rien de concret. Je suivais Iggy sur Instagram et un jour, il a posté une photo particulièrement banale voire moche de sa fenêtre, avec un texte très pince-sans-rire, disant qu’il n’avait pas beaucoup de boulot en ce moment et demandant si quelqu’un n’avait pas besoin de lui. J’ai trouvé ça hilarant : une sorte de façon de faire pas du tout pro, mais très honnête ! J’avais adoré son boulot sur l’album de Penelope Isles. Du coup, je l’ai appelé, on a discuté et très vite, on a parlé musique. Il était dispo, il le sentait bien donc on s’est lancé. C’est génial de bosser avec lui. Il est incroyablement relax, ouvert à toutes les suggestions, et plus c’est bizarre, plus il aime !