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Disques

Maison Neuve – Vivi

Ultime bombe sensible de Maison Neuve, pop fine et brûlante, totalement en français.

Hasard des calendriers de branquignols et autres bras cassés, Maison Neuve et Lispector, un temps réunis sur le bien nommé, et indispensable, « Young Wild & Lonely », sortent cette même année chacun un album, précipité de leurs multiples talents. Et c’est bien triste car Maison Neuve a décidé de mettre la clé sous la porte. « Vivi » est donc l’ultime témoignage discographique de Maison Neuve enregistré entre 2013 et 2018. Guillaume Refau l’avait annoncé: « Singing in a foreign language is very shameful » (« Giving Up Is A Daily Fight »), et ça remontait ici et là sur « Victor » et « Joan », avec leurs quelques titres en idiome local mais voilà que l’inspecteur Refau ne se cache plus et clôt l’histoire de son projet avec un disque totalement en français. C’est courageux et généreux. On retrouve tout le sel de ses contes fantastiques contemporains (« Benno », « Noir », écho de « Au large de la ville » ?), de son immense amour et de ses passions (« Amouralypse », « Les Palanges » et même un discret hommage à Alan « Vega » et à son « Dream Baby Dream ») avec toujours cette même urgence adolescente, ce bricolage mélodique de trois sous hyper efficace pour des chansons qui tiennent diablement bien la route. « Je rêve de musique / De femmes nues / Et de nombre d’or / Et c’est une faune éclectique / Qui vit en mon for(t ?) « , chante-t-il sur « Jean-Baptiste », chanson hallucinée et hallucinante qu’on ne veut pas trop dévoiler mais qu’on recommande fortement. Maison Neuve, en bon dernier romantique post symboliste chiade ses textes et inscrit ses chansons dans une filiation tarabiscotée Oscar Wilde-Lou Reed-Richard Strauss-Lizzy Mercier Descloux.

Comme toujours, on se brûle les oreilles et les pattes sur chaque titre, qui porte le feu sacré. Et on fond pour ce brulot noise inattendu qui vrille la fin d’ »Amouralypse » ou pour la structure en forme de largage d’étages de fusée spatiale d’ »Une Cité Électrique » (sept minutes !!!). Oui, ce titre est inattendu, fou, puissant. C’est le centre incandescent du disque.

D’ailleurs, on ne se remet toujours pas de l’évolution de ce projet, devenu groupe solide (et même avec un saxo), toujours de plus en plus furieux avec des guitares étendards carbonisés. On se rappelle un vieux post de Guillaume (on se rappelle d’ailleurs souvent les textes ou des envolées de Guillaume), éphémère contributeur de ce site (tout comme Thierry L., batteur), sur The Walkmen : « vos guitares sont des batailles » (à propos de « You and Me » ?). L’exercice a été profitable comme le dirait le petit John Mohune dans Moonfleet.

C’est un bel objet, comme l’était déjà le 45 tours « Touché au cœur ». Le peintre suisse, Franz Gertsch, auteur de belles séries sur Patti Smith notamment, a fait la couv’. Maison Neuve abrite des esthètes pleins d’humour et on s’amusera à repérer un menhir du néolithique sur le clip de « Benno », signé par le pseudo-teuton Wilhelm Eruaf (arf !), qu’on avait admiré à Venise lors de l’exposition Intuition au Palazzo Fortuny en 2017. C’est de l’ordre de la scansion mais elle est efficace et chargée : c’est un très bel artefact.

C’est qu’il y a des marottes chez Maison Neuve. La géographie, voire la psychogéographie des situs, en fait partie. Voir : le clip de « Benno », le texte des « Palanges » ou ce titre de « Vivi », sans doute inspiré par la ville, première capitale de l’État indépendant du Congo, fondée par l’explorateur Stanley. Maison Neuve ne regarde pas uniquement vers l’Empire Anglo-saxon et Guillaume nous confiait, il y a quelques années, son espoir de voir des villes comme Lagos, devenir les centres du monde à venir. On est trop indécrottables pessimistes pour y croire mais l’idée est belle. Romantique comme Rimbaud ou Tom Verlaine, Maison Neuve n’oublie jamais la possibilité de l’Afrique.

Comme Lispector, Maison Neuve est un orfèvre de l’art (soit disant) mineur de la pop et, à ce titre, extrêmement précieux. Et ils sont peu à nous plaire, dans un champ annexe à celui de la nouvelle-nouvelle chanson française, qu’ils s’appellent O(livier Marguerit) ou Thousand, et à faire de la pop française avec les moyens anglo-saxons. On les compte sur les doigts de la main, on les chérit et on les choie.

Alors, oui, j’imagine que c’est compliqué de gérer des répét’ à l’aide de doodle infernaux, de continuer de gratouiller quand on passe le plus clair de son temps libre dans des parcs à côté de toboggans et de bacs à sable pleins d’urine de chats et que c’est plus facile de quitter la scène sur une parfaite réussite qui viendra clore la légende et fera le bonheur des diggers sur le discogs 10.0 à venir mais – zut !- faut penser aux fans, saperlipopette !

Maison Neuve, comme Jean-Baptiste, « des fous, tu es roi ». Ne nous laisse pas. Déconnez pas les gars.

 

Avec l’aide de Johanna D, Salomé qui danse.

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