Si j’ai une bonne collection de disques de Om (albums et splits en tous genres) et un seul album de High On Fire, je n’ai jamais eu la curiosité d’aller écouter la maison mère Sleep.
C’est donc refaire le chemin bien à l’envers que d’écouter, enfin, ce premier album de Sleep, leur premier depuis quatorze années (et merci à mon beau-frère pour le cadeau sous le sapin).
Disons le vite : avec le « Beloved » de Randal Dunn, c’est le champ du métal qui nous a le plus fait (infra)vibrer cette année 2017. “The Sciences” est un petit bijou de métal précieux en fusion, de la musique de méchants gros bourrins hyper raffinés. Comme sur le Dunn, Sleep est allé taquiner la matière dans des cratères ardents. « The Sciences », le titre, en ouverture n’est que cela : crépitements, grondements, hachures stridentes, tout pour tripper en se triturant les méninges tout en gardant le sel de la rage et l’énergie à tout casser du métal, toujours propre à remuer tripes grasses et cheveux longs. Je n’ai jamais eu ni compris le goût de mes condisciples pour les plaisirs du métal et du haschich mêlés. OK éventuellement pour le « Planet Caravan » de Pantera mais Phil Anselmo la jouait vraiment piano et puis c’était, avant tout, une reprise du Sab’. Avec « The Sciences », je crois que je pourrais me remettre au bong car effectivement stoner il y a. Bon peut-être pas (plus ?) dès le petit déjeuner comme sur la pochette intérieure mais faut voir.
En tout cas, il est bien bon de retrouver nos gentils herboristes d’intérieur de concert. Sleep est plus que la réunion de Om, mantra sur métal (lire le compte-rendu du concert ici) et de High On Fire, post trash métal, plus tradi. Leur musique prend le temps de s’installer dans des motifs, de chercher et de répandre les matières, de rugir, de s’aventurer sur des chemins de traverse, presque sans qu’on y prenne garde, osant le rapide (voire le solo de basse (H)Om-érique sur « Sonic Titans ») comme le lent (l’énoooorme « Antarcticians Thawed »), mais tout est ici plus que relatif, car la basse peut être lente et ronde et les guitares grattantes et irritantes, à moins que ce ne soit subitement l’inverse ou qu’on n’y ait simplement pas pris garde avant. Il y a souvent brouillage de pistes et de riffs comme chez Deep Purple, « Machine Head » en tête, l’alliance du jazz aventureux et du blues bien balisé.
« The Sciences » est l’alliance du corps et de l’esprit, de la lourdeur et de la légèreté (Est-ce vraiment un trio ??? Combien de guitares ? Combien de basses ? Réelles ou fantasmées ?). Sleep possède nos esprits et les emmène gambader comme une douille bien tassée, tandis que nos corps galvanisés et gorgés d’énergie s’agitent de la danse de Saint-Guy et retrouvent des envies de headbanging qui nous avaient tout de même un peu passé (ça fait quand même mal à la nuque et on n’a jamais eu le cheveu bien long).
Ils nous font atterrir par un détour chez « The Botanist », rappelant le « Planet Caravan » déjà cité mais aussi, par moment, avec ce son de guitare aigrelet et cette batterie claire et lourde en cymbales, typiques des maîtres du trash Metallica lors de la période magique (et avec basse ascétique à la prod’ comme par malignité, ce qui est loin d’être le cas ici) de « …And Justice For All ». C’est presque 50 ans de métal que Sleep revisite ici tout en étant, dans ses propres son et identité, terriblement actuel, chercheur et sensible (ces peaux qui font vibrer les enceintes comme une déflagration sur « The Sciences »), revigorant et passionnant.
On vous encourage vivement à profiter d’un son vinyle à volume fort pour profiter des empilages de couches et des vibrations proprement démoniaques (ou Gaïaques, au choix…).
Grand, grand disque. Et dire que j’ai loupé la tournée…