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Hater – Siesta

 Hater - Siesta

Depuis les années 90, les Scandinaves – en premier lieu les Suédois – ont maintes fois montré qu’ils excellaient dans une indie pop mélodieuse, anglophone et anglophile (pour résumer un peu grossièrement). Des conditions économiques favorables, un contact dès le plus jeune âge avec la langue de Shakespeare et une saine émulation contribuent sans doute à l’épanouissement de cette scène, sans pour autant expliquer totalement sa réussite. Aujourd’hui, la production nordique semble un peu moins faste qu’à l’époque où Eggstone (les pionniers), les Wannadies, Popsicle ou Concretes alignaient les singles parfaits avec une facilité déconcertante, mais des groupes au talent et à la maîtrise éclatants continuent à émerger régulièrement. Comme Hater, une fille et trois gars basés à Malmö, en Suède, qui malgré leur nom semblent vouloir beaucoup de bien à nos oreilles.

Apparus en 2016 avec le EP “Radius”, ils n’ont pas chômé depuis, sortant l’an dernier un bref premier album, “You Tried”, puis un autre EP, “Red Blinders”. Si un joli savoir-faire se déployait sur ces galops d’essai aux chansons concises et accrocheuses, le deuxième album voit le groupe tenter le saut d’obstacles, et franchir vainqueur la ligne d’arrivée (les musiciens posent à cheval sur la pochette et les photos de presse). Malgré son titre, “Siesta” n’a rien de paresseux, bien au contraire, avec ses quatorze morceaux qui taquinent l’heure de jeu. Hater a les moyens de ses ambitions, affichant à travers ce nouveau disque une progression impressionnante aussi bien dans le domaine de la composition que du son et des arrangements, à la fois simples et toujours judicieux. Et même dans le registre vocal : Caroline Landahl chante nettement plus juste, et sait tirer parti de ses limitations sur les titres un peu plus bruts comme “Things to Keep Up With” ou “Your Head Your Mind”.

Sans jamais trop s’éloigner de ses bases, Hater varie les plaisirs – et le nôtre. A une entame dream pop en ternaire avec arpèges de guitare et basse en avant (“From the Bottom of Your Heart”) succède un morceau plus tendu, aux accents new wave, où l’apport des synthés est à la fois discret et essentiel (l’imparable “It’s So Easy”), lui-même suivi par le doux et suprêmement mélodieux “I Wish I Gave You More Time Because I Love You”, qu’enlumine le saxophone d’Inge Petersson Lindbäck. Trois morceaux seulement et l’on sent déjà que l’on tient un grand disque à ranger près de ceux de leurs compatriotes Cardigans – du moins les premiers albums – ou The Radio Dept., ce que la suite, toujours gracieuse, ne fera que confirmer.

Si sa mélancolie est toujours accueillante, Hater réussit toutefois à esquiver la joliesse un peu mièvre de certains groupes scandinaves. Toutes proportions gardées, on est plus proche ici, au moins dans l’esprit, des Smiths (guitare à la Johnny Marr sur “Cut Me Loose”), des Sundays, voire de Felt, ou d’un minimalisme post-punk revisité par Sarah records. Pas d’intenses déchirements dans les textes, peut-être, mais des doutes, des regrets, de la fragilité et une sérénité conquise de haute lutte (“Weekend”, ultime plage), tout ce qui fait de ces quatorze chansons élégantes et extrêmement bien fichues beaucoup plus que cela. On tient peut-être là des amis pour la vie, ou du moins pour longtemps.

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