En vacances en Belgique, après une overdose de frites et de gaufres de Liège (ces dernières semblent avoir colonisé la capitale), que ramener chez soi hormis une BD de Hergé ? À (bon) coup sûr l’album de Marc Melià, « Music for Prophet ». C’est donc en plein quartier de Schaerbaeck, que je me suis converti, tourné vers la maison communale, aux vertus du synthétiseur Prophet. Confirmation plutôt que conversion, car la musique du Prophet hante les colonnes de POPnews (relire la chronique du dernier Lonely Drifter Karen) et, surtout, nos disques préférés depuis de longues années, de New Order à John Carpenter, de Laurie Anderson à Donald Fagen sans oublier les OMD, Vangelis et Oldfield à mettre tous dans la même Jarre.
On doit le répéter haut et fort, « Music For Prophet » est tout sauf une magnifique démo du divin instrument. Alors qu’on célèbre aujourd’hui et en grandes pompes dans toutes les salles de l’Europe, un jeune claviériste talentueux et malin, courant d’un clavier à l’autre, orgue contre Roland, piano droit contre à queue, Rhodes contre piano d’enfant, nous affirmant que Tout Est Mélodie, Marc Melià crée de véritables multimondes sans recourir à trop d’artifices et tire un trait entre la rigueur de Jean Sébastien et les fantaisies d’un monde du futur, éternel fantasme qui peine toujours à venir.
Egyptology a donc trouvé un compagnon d’aujourd’hui, robot mélancolique, très humain après tout, qui fuit toujours les Blade Runners (« arpeggios#2 ») sur des nuages roses et ocres, qui gronde parfois (« arpeggios #5 ») ou prie les grandes puissances, qu’elles soient Superman, Dieu, Maman & Papa, peu importe, en tout cas Laurie est là (« Yurimon »).
Par deux fois, en ouverture et en clôture, Marc Melià chante et on tourne alors dans un tourbillon futur-passé-futur du passé voire passé du futur du passé assez vertigineux. Sur « Fata Fou », chacun retrouvera ses marottes : pour moi, c’est la madeleine qui me replonge dans « Bird On Board », morceau conclusif de « The Belgian Kick » de The Married Monk.
« Music for Prophet » est un disque tortueux dans lequel on aime se perdre, celui d’un artisanat (en allemand : kraftverk) qui se mue en art et dont le grand manitou, compagnon de Francoiz Breut sur scène et principale cheville ouvrière de « Passé Composé Futur Conditionnel » de Le Ton Mité, vient de gagner une place méritée sous les sunlights, seul avec le Prophet. Puissent des hordes de fidèles le célébrer et acheter la cassette originale avec les chouettes illustrations d’Anne Brugni ou le vinyle paru chez Les Disques du Festival Permanent/La Sélection de Flavien Berger incluant aussi les photos de Valérie Le Guern à la stupéfiante gare de Liège… où on trouve peut-être des gaufres de Bruxelles.
Marc Melià – Veus – POPnews
[…] “Songs for Prophet” était un exercice de style centré autour des possibilités d’un instrument mythique, et pourtant l’album avait sa personnalité propre, évitait la démo rusée d’un interprète matois. Fort de ce succès critique et public, Marc Melià s’ouvre à d’autres possibles, toujours en flirtant avec des sonorités électroniques passées et en empilant les motifs, mais il donne de l’air à tout ça. On sent bien qu’il ne s’agit pas de réitérer le surprenant exploit, sensible, de “Songs for Prophet”, ni de de surfer sur cette vague. […]