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Disques

Bertrand Betsch – La Vie Apprivoisée

Bertrand Betsch - La Vie Apprivoisée

Bertrand Bestch revient avec « La Vie apprivoisée » signée sur son label Les Imprudences. Un grand disque, mouvant et émouvant.

Il est parfois des arbres qui cachent le reste de la forêt et il y a certains constats définitifs qui prouvent leur bêtise, leur manque de pertinence à un examen plus approfondi et pourtant on les clâme comme des évidences et des sacro-saintes vérités.

A chaque génération musicale, il y a toujours cet artiste qui cannibalise le reste de ses contemporains mais aussi notre curiosité. Sans doute la faute à la rencontre entre le bon moment, les mots qui viennent justifier nos doutes et la musique qui provoque la surprise. Bien sûr, on aura tôt fait de percevoir en  ses voisins d’inspiration  de pâles copieurs ou des imaginaires envieux.

Et si tout cela ne voulait finalement pas dire grand-chose, si nos évidentes vérités n’étaient que des paravents à un manque de curiosité ?

On aurait tôt fait de dire par exemple que dans les années 90, parmi les personnalités émergentes, il en était une à sortir du lot, Dominique A et ses albums impeccables et novateurs. Bien sûr que le grand chauve a une place à part dans la musique d’ici, mais n’en avez-vous pas assez d’entendre parler d’école musicale qui se réclame de tel ou tel artiste ?

S’il y avait une concession à faire à une notion de fédération qui se rapprocherait de peu ou prou à une école musicale, ce serait de reconnaître le terreau fertile qu’a pu être le label Lithium. Rappelez-vous, ce label tenu par Vincent Chauvier et qui vit apparaître une foultitude d’artistes dont nous continuons à suivre le parcours depuis. Dominique A donc mais aussi Mendelson, Diabologum, Jerome Minière, Holden, Perio ou encore Bertrand Bestch.

Parlons-en justement de mal entendu car depuis « La Soupe à la grimace », certains d’entre vous suivent la carrière de Bertrand Bestch de loin en loin, lâchant comme des Fatwa de maitres du bon goût qu’il a peut-être tout dit avec ce premier disque. 

Ah ces maîtres du bon et du moins bon goût qui glosent sur un disque sans parfois l’avoir même ouvert. Mais laissons-les à l’ombre qu’ils ne devraient pas quitter. Car Bertrand Betsch, bien au contraire a fait bien plus que de poursuivre sa carrière, il a travaillé tel un styliste les contours de sa musique. Certes, on peut retrouver dans sa production un trop plein de générosité qui mériterait  peut-être plus de concision, comme son double album, « La Nuit nous appartient » qui aurait peut-être gagné à être plus ramassé. Mais arrêtons-là les chichiteux. Si l’on commence à se plaindre de la générosité, où allons-nous ?

Qu’en est-il alors de « La vie apprivoisée », ce nouveau disque de Bertrand Bestch ?

On y retrouve les mêmes inflexions de cette voix traînante, ces mêmes aspérités peut-être plus présentes dans le quotidien des autres. Prenez « La Beauté du monde » et sa rythmique à la Moondog, une tribalité d’êtres errants et citadins. On sent aussi un Bertrand Bestch moins distant, moins distancié comme sur « Aimez nous les uns les autres » et sa chorale, une chanson qui doit tant aux événements de ces derniers mois. Il se pose ici en moraliste épicurien à la manière d’un Souchon.

Mais là où il est le plus touchant, c’est sans doute quand il pose un peu le rythme. Que cela soit avec « Les inséparables », tout fait d’harmonie, de piano et de la traversée d’une flûte traversière qui rappelle le meilleur de Sheller, ou « Qui perd gagne » comme la parfaite addition entre Léo Ferré et ce disque à la pochette bleue et blanche, « Hatful of hollow ». Bertrand Bestch s’apprivoise comme il apprivoise la vie, il laisse de côté le masque de l’autisme, du cynisme pour la légèreté profonde d’une enfance.

Il faut avoir entendu les arrangements tout en nuances, tout en finesse de « Les hommes douleurs »  avec cette tendresse étrange, ce cynisme dénudé qui le rapproche de ce grand absent qu’est Erik Arnaud (mais mon petit doigt m’a dit qu’on devrait avoir de ses nouvelles bientôt).

Chez Bertrand Bestch, on y retrouve ces mélanges affirmés, celui d’une belle langue allusive, ceux de références qui doivent autant à la pop de nos voisins anglais qu’à la musique d’ici. S’il est une école dont on puisse le rapprocher, c’est celle de Florent Marchet ou de Matthieu Malon. Ces gens-là qui racontent les choses telles qu’elles sont.

Alors si vous pensez que quelque part, vous êtes passé à côté de Bertrand Bestch et de sa musique, voici de quoi une fois pour toute faire taire les fausses vérités et les évidences frelatées, un disque aux parfums fragiles et une « Vie apprivoisée » au goût d’éternité.

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