Ce vendredi 20 novembre, le ciel aussi a pleuré toute la journée. Où trouver la chaleur humaine et musicale dont on a tant besoin ? A fond de cale, étrangement. « Meurtris mais toujours debout », nos amis de Petit Bain, barge amarrée face à la Grande Bibliothèque, ont décidé de maintenir leur festival How to Love, autour de la musique et de la BD. Avec, ce soir-là, dans la salle en bas des marches, un groupe mythique et rare en France, qu’on a donc d’autant plus envie de voir : les Brésiliens d’Os Mutantes.
Après la première partie assurée par les Parisiens de Tahiti Boy and the Palmtree Family, proches de Sérgio Dias, leader des Mutants (on est malheureusement arrivé à la toute fin), la pause permet de retrouver quelques têtes connues dans le public, plutôt fourni et en partie lusophone. Vers 21h10, le quintette arrive sur scène… et doit retourner backstage au bout de quelques minutes, avant même d’avoir commencé à jouer. « Il faut changer la batterie », explique Sergio dans son français inimitable… Heureusement, il ne s’agit pas de l’instrument de percussion posé en fond de scène mais de celle qui alimente sa guitare, faite maison visiblement. Juste un faux départ, donc.
D’un précédent concert du groupe au Cabaret Sauvage, en juin 2010, on gardait le souvenir d’une prestation un peu bancale mais généreuse. Il en sera de même ce soir-là, et même si l’ensemble était un peu inégal, on préférera toujours ça à ces live trop parfaits où les morceaux sont joués à la note près comme sur les disques. Ici, ce serait de toute façon impossible tant la formation est différente de celle d’origine, Sérgio Dias, 65 ans dans quelques jours, costume, longue écharpe turquoise et hautes bottes, en étant le seul membre restant. Et comme ce virtuose a un goût prononcé pour les longs solos de guitare (le genre de chose qu’on apprend à apprécier en vieillissant), certaines chansons sont considérablement étendues et différentes des versions studio.
La setlist pioche dans diverses périodes du groupe : quatre morceaux du génial premier album de 1968, rien du deuxième, la chanson-titre du troisième, “Ando Meio Desligado”, cinq extraits de “Jardim elétrico”, deux du tout nouveau “Fool Metal Jack” (sic), “Piccadilly Willie” (assez lourdingue) et “Time and Space” (plus digeste)… On aura aussi droit à “Balada do Louco” (1972), qui est un peu leur “Imagine” ou leur “Hey Jude”, chanté en duo avec une charmante jeune femme, Carly Bryant (photos et vidéo ci-dessous). Si Os Mutantes doit beaucoup aux Beatles (comme à peu près tous les groupes de sa génération), on pense aussi à Led Zep et Hendrix, voire Deep Purple, dans les moments les plus rock, le tout évidemment trempé dans les sonorités brésiliennes et sud-américaines. Un mélange de pop, latin jazz, psychédélisme, heavy et prog venu d’une époque lointaine mais qui, grâce à une écriture iconoclaste, parvient à ne pas sonner daté.
Amoureux de la France et de sa culture, Sérgio Dias nous rappelle qu’il était là en mai 68, interprète “Le Premier Bonheur du jour” (chanson de Françoise Hardy reprise sur le premier album) avec la chanteuse du groupe dans le rôle de Rita Lee et, encore mieux, change les paroles de “El Justiciero” pour raconter la Révolution française, nous proposant d’envoyer à la guillotine les politiques de tous bords (euh…). Sans surprise, le morceau gardé pour le rappel sera l’immarcescible “Panis et Circenses”, l’un des actes fondateurs du tropicalisme, proche de l’original au départ, puis totalement réinventé. Après une heure trente de concert, il est temps d’aller prendre un dernier verre entre amis, en regardant la Seine et en se sentant tout simplement vivant.
Les légendes tropicalistes Os Mutantes de passage en France – POPnews
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