Non, ceci n’est pas un disque de reprises de la Ciccione, à moins que la Madone favorite de notre adolescence turgescente ne se soit coincé les doigts dans la prise électrique et que ses cheveux peroxydés aient soudainement tourné au rose vif. On ne réitérera pas ce qu’on a dit précédemment des « Deerhoof vs Evil » et de « Break Up Song » mais force est de constater qu’un album de Deerhoof chasse l’autre, tous les ans (comme chez Murat mais en plus rigolo, quoique…) et chaque fois, meilleur que le précédent. On retrouve toujours les ingrédients de la musique du monde entier dans un condensé musical d’une petite demi-heure, sorte de mezze tout en bordel dans le wok : groove qui tue, guitares stridentes, riffs heavy, bubblegum-pop malabar, surf psyché, souvent tout ça en même temps et c’est ça qui est bon. On ne prêchera pas les convaincus, les pisse-froids trouveront encore que Deerhoof ça fait mal à la tête alors que c’est surtout bon pour le cortex, les jambes et pour le boyau de la rigolade.
Au rayon nouveauté, car il y en a toujours, notons le rigolo « Doom », avec ses paroles apocalyptiques et ce qui sonne comme deux bouzoukis électriques pour un sirtaki acidulé, qui vire au punk rock le plus dangereux pour finir dans le minimalisme synth pop. On ne craint pas les changements de direction. Deerhoof : c’est Tativille de « Playtime » en musique.
Le tube « Exit Only » sonne comme du Nirvana, période Butch Vig repeint au rouleau par Albini pour se gausser du pays de la liberté d’expression (« Too many choice to order breakfast »).
« Big House Waltz » poursuit sur la même lancée comico-dévastatrice (« Vice President of Everybody »), rompt le rythme gentillet des cowbells par des infrabasses démentes qu’on croirait piquées chez les rigolos pince-sans-rire de Sunn O))) pendant que Satomi enfonce le clou au mégaphone+écho (« Gentlemen ! Deerhoof would like to bring chaos to you. Play your hears. Let them go free »). Ça ne rigole vraiment pas. C’est du sérieux. Deerhoof tout en chausse-trappes et fausses pistes sera toujours bien plus punk que ceux qui croient (ou feignent de croire) aux trois accords mal joués et aux épingles à nourrice rouillées.
On aime évidemment aussi le très pop « Paradise Girls », ode aux rockeuses-bassistes, de Kim Gordon à Yuri Zaikawa de Nisennenmondai certainement, avec guitares qui grattent, basse ronflante, percu samba et final de voix débiles.
Un peu d’irisations douces sur « Mirror Monster », de math-surf pop punk avec « Tiny Bubbles », des cingleries (« Fast Lad » et « God 2 ») et surtout « Oh Bummer », le titre le plus habité de l’album aussi minimal que groovy et finissant dans des dissonances funk-punk. Oui Madame : du funk-punk !
Il faut le dire et le répéter, comme Satomi dans « Black Pitch » : Deerhoof « we are going to want you… 24-7 ».