On s’est rendus à deux des trois soirées du French Pop festival, qui affichait une belle programmation, bien variée qui plus est. Retour sur deux très beaux moments, pour six groupes au total !
Vendredi 3 octobre :
Le festival bordelais avait déjà commencé l’an passé sur les chapeaux de roue. Cette édition 2014 se recentrait sur l’iBoat en termes de salles, mais l’exigence de la programmation était au rendez-vous avec beaucoup de groupes/artistes dans leurs premières sorties. Des noms qui ne m’étaient pas inconnus, mais dont il restait à tester la valeur en live.
Premier à s’élancer sur la piste, Marc Desse va essuyer les plâtres niveau technique : sa guitare refuse obstinément de fonctionner, les techniciens s’affairent mais rien n’y fait. Il doit faire avec ses trois musiciens et retrouve la liberté sur scène, mais il semble s’accommoder on ne peut mieux de la situation. On le sent presqu’à l’aise dans cette configuration, il peut arpenter la scène, ou plutôt faire quelques pas sur les amplis devant la scène, comme un félin frustré. Les chansons de “Nuit noire” prennent une belle ampleur sur scène, même avec une guitare en moins, c’est dense, bien noir comme on peut s’y attendre, mais aussi habité. Entre pop-song qui tue (“Giverny”), romantisme nerveux (“Nuit noire”, “Henry et Elsa) ou ruades rock (“Ma fiancée”), Marc Desse dégage un charisme magnétique, soutenu admirablement par sa bassiste, son batteur et son guitariste qui abat un boulot monstre (pas sûr qu’il ait pleinement goûté l’absence d’une autre guitare). Les 45 minutes du set furent l’expression d’un groupe déjà bien rodé, qui a su exprimer une belle générosité (beaucoup de sourires, de blagues) dans des conditions peu faciles.
Cléa Vincent fut la dernière ajoutée à la programmation, en remplacement de l’étoile montante Feu ! Chatterton. Au vu du succès de la prestation de la jeune femme, elle se constituera bien vite un public, et en avait déjà un qui chantait ses chansons, dansait ou à tout le moins se remuait. Car Cléa Vincent dégage un truc, un groove pas possible, dans sa manière de jouer du piano, de chanter avec sa manière d’étirer les syllabes au besoin, de tricoter des mélodies sur lesquelles il est facile de chanter à l’unisson. Bref, c’est pop et ça fait chavirer mon côté pop, et moi qui étais déjà fan de la demoiselle, je me retrouve à chanter comme une casserole une reprise d’Ace of Base (“All that She Wants”), de crier au “Méchant Loup”, de me rendre compte que je connais déjà les paroles de “Château perdu”, comme celles de “Retiens mon désir”. Bref, c’est passé beaucoup trop vite, comme toute fête réussie en quelque sorte.
Déjà la fin de la soirée ? Elle approche, et c’est Mustang qui doit clôturer le bal. J’avoue que je n’étais à la base pas un grand fan du groupe, et que ça s’est confirmé ce soir-là. Non que le groupe n’est pas bon : dans son domaine, il est excellent, jouant des codes rockabilly/loulou qui cherche la baston après quelques bières au zinc. Sauf que je ne rentre pas totalement dans l’univers, il me manque une dimension plus fun, plus légère que ce jeu de démonstration de force, cette séduction virile. Quelques beaux moments m’accrochent l’oreille, comme “Le Sens des affaires” ou “La Princesse au petit pois”, d’autres me laissent plus dubitatif (la reprise de “La Forêt” de Lescop). L’ambiance est quand même au rendez-vous, avec un premier rang chauffé à blanc, avec montée sur scène (on y reconnaît l’ancienne chanteuse de Pendentif) et tutti quanti. Je ne ferai certes pas partie de ces enthousiastes, mais il en fallait bien pour les amateurs de rockabilly-pop (popabilly ?).
A l’heure de quitter le bateau, je comprends que la soirée ne fait que commencer pour certains, qui iront danser toute la nuit avec Breakbot (entre autres). Pour moi (et mes acolytes), c’est rideau pour la nuit !
Samedi 4 octobre :
Après la réussite de la soirée précédente, et aussi une nuit électro à guichets fermés, la fin approche pour le French Pop festival, avec une soirée à la programmation pointue. Julien Gasc doit ouvrir le bal, avant Dorian Pimpernel et Moodoïd en clôture. Il manque encore un peu de public quand le musicien d’Aquaserge monte sur scène.
Tout seul au départ, Julien Gasc reçoit au fil des morceaux le renfort de ses musiciennes (“une fille arrive sur scène à la fin de chaque morceau !”), et le set prend à chaque fois plus d’ampleur, avec cette pop qui semble tout autant bancale que maîtrisée. Les styles se téléscopent, avec un ADN pop mais des audaces à chaque moment, portées par un groupe irréprochable, qui permet à Julien Gasc de passer d’une ambiance folk-rock à du grunge bien fichu, en passant par une ballade tricotée avec soin. En revanche, les problèmes de son n’épargnent pas le musicien, avec un son de caisse claire qui parasite le rappel. Peu importe : avec toute sa singularité, il a su séduire les inconditionnels, et convaincre les incertains de donner une nouvelle chance à “Cerf, Biche et Faon”.
Dorian Pimpernel prend la suite, le groupe français se retrouvant pour le moins à l’étroit sur la petite scène. Ceci n’affectera pas pour autant les chansons, qui derrière un large panel d’influences mais aussi d’instruments jouissent d’une belle évidence, portées par un groupe qu’il est impossible à prendre en défaut. Les chansons “Allombon” se taillent la part du lion, et si la guitare est au début du concert en retrait (“Une Rickenbacker, ça doit sonner !” insiste un spectateur), le terme moonshine pop derrière lequel ils semblent se reconnaître leur va comme un gant. Qui dit lune dit marée, et si les coefficients de celle du groupe ne donnent jamais lieu à des flots déchaînés, la traversée de ces 50 minutes de set ne sont jamais trop linéaires. Claviers généreux et prédominants, section rythmique au poil (et au bassiste très classe dans sa tenue), guitare et voix assurées avec brio par Jérémie, il n’en fallait pas plus pour faire doucement tanguer le bateau, d’une façon classique mais impeccablement ciselée.
Pour conclure, c’est donc Moodoïd qui est convié, Pablo Padovani et ses musiciennes étant auréolés d’un premier album “Le monde Moö”. Toujours largement maquillée, la troupe a les tenues qui vont bien, et semble pressée d’en découdre. Les hostilités commencent sur “Je suis la montagne”, joué fort, ample, de façon passionnée, avec une énergie qui ne faiblira pas de tout le concert. Moodoïd est une vraie tornade sur scène, et ce n’est pas cliché, mais bien la réalité, que de dire que les morceaux prennent une nouvelle ampleur sur scène. Pablo Padovani se démène, danse, va voir ses musiciennes sans cesse, et il se dégage une belle énergie de l’ensemble, qui atteint de magnifiques pics d’intensité sur “Bongo Bongo Club” ou “Les chemins de traverse” par exemple, malgré un micro récalcitrant qui coupe la voix au chanteur. Porté par un quatuor de musiciennes épatant, généreux, Moodoïd donne une furieuse envie de danser, avec ses sons qui mêlent psychédélisme, pop et vitalité tribale. Si ce n’est un passage un peu en dedans, les cinq Moodoïd m’ont comblé, ont revitalisé la salle par une prestation sans freins aucun. Je suis ressorti avec le sentiment d’en avoir pris plein les yeux, plein les oreilles, grâce à une prestation d’où la spontanéité n’était absolument pas feinte : bravo !
C’est donc ainsi que se referme cette deuxième édition du French Pop festival, qui assume une belle ligne éditoriale, audacieuse et séduisante, preuve de la vitalité de la scène hexagonale. On signe déjà pour une prochaine édition !