Les abords de la salle du Krakatoa, pourtant riches en places de stationnement, sont tous occupés, et c’est un bon indicateur de la foule qui s’est déplacée pour le retour de Nada Surf en terres girondines. C’est même un retour aux sources pour le groupe, qui a joué dans les mêmes murs il y a une quinzaine d’années. Toujours est-il qu’il y a une première partie qui s’escrime à ouvrir pour les New Yorkais.
Ils s’appellent Waters, ces jeunes Californiens de San Francisco. J’arrive sur la fin de leur prestation, entend trois titres : un titre qui a dû être composé après avoir conclu au bal de promo, un pour illustrer l’arrivée triomphale à l’université et la découverte de toutes ces jeunes filles qui ne demandent qu’à coucher avec notre chanteur blond. C’est un peu trop teenage pop FM, ça a le parfum d’un épisode de Dawson un après-midi pluvieux. C’est assez peu marquant donc.
Bon, les gars de Nada Surf arrivent, il y a du monde partout, des têtes qui se déplument (oui, le public vieillit en même temps que ses idoles) mais aussi des plus jeunes, tout le monde a sa mini-setlist en tête. Hommage à une amie, qui à force de persévérance, aura obtenu « Blonde on Blonde » (je préfère penser qu’ils ne l’avaient pas mis sur la setlist au départ, l’histoire est plus belle). Matthew a un peu vieilli, mais Daniel et Ira ont toujours leurs looks d’ado. Au trio originel, deux ajouts : Martin Wenk de Calexico, avec tous ses instruments et sa bienvenue trompette (j’y reviendrai), et Doug Gillard de Guided By Voices, bref, du lourd et du très bienvenu pour redynamiser le groupe. Le résultat a été plus que probant : concert fantastique, une heure quarante de tubes, de chansons qui ont ressurgi dans ma tête alors que je ne les avais pas écoutées depuis un bon moment.
Ils ont commencé par « Clear Eye, Clouded Mind », titre inaugural du dernier album. Un classique du style Nada Surf : entraînant, ultra-efficace, power-pop qui débarque en grande pompe, qui offre un début sur les chapeaux de roue pour Daniel (très en jambes : la dernière fois à Bordeaux, en 2005 (2006 ?), il avait le genou dans une attelle), Ira qui cogne gentiment sur sa batterie et Matthew, toujours impeccable dans son costume de grand frère cool. Loin de n’être qu’une tournée promo pour le dernier album, le très bon « The Stars Are Indifferent to Astronomy« , le groupe équilibre à la perfection sa setlist, revisitant ses classiques avec un plaisir communicatif. La formule à cinq redonne de l’allant aux chansons, certaines revenant métamorphosées (« 80 Windows » et la trompette de Martin Wenk est en en tout point délicieuse), la plupart un poil plus musclées (« »Hi-Speed Soul », « The Way You Wear Your Head », le final de ma préférée « Killian’s Red »), pour le reste exécutées à la perfection (« Always Love », « Weightless » avec le public…). L’ambiance est au beau fixe, sur scène, dans le public, dans les gradins (ouverts ce soir), la communication grandement facilitée grâce au français parfait de Matthew (« On est trois dans l’équipe à avoir la grippe, et ce qu’il y a de bien en France, c’est qu’il y a partout des pharmacies, des boulangeries, des laveries, bref, tout ce qu’il faut à un groupe en tournée ! »), et j’aimerais en avoir plus. Mais deux rappels, c’est déjà beaucoup, il y a eu beaucoup de plaisir et d’émotion dans cette heure quarante, où chacun semble avoir eu ce qu’il attendait. Nada Surf a une côte d’amour importante en France, et ce concert fut une confirmation des multiples raisons de celle-ci. Un cocktail parfait, de A à Z.