Le temps qui passe, thème central de l’album qui nous intéresse ici, ne semble décidément pas entraîner les mêmes répercussions sur tous nos musiciens favoris. Là où certains de ceux qui furent les héros intimes de nos années 90 ne nous inspirent plus aujourd’hui qu’un semblant d’intérêt poli, d’autres comme Nada Surf ont toujours su garder vivante la flamme d’une passion que les saisons auraient aisément pu faire vaciller. Plus de quinze ans après un premier album dont les auditeurs les plus obtus n’auront retenu qu’un tube post-grunge (« Popular »), matraqué en rotation lourde sur les chaînes musicales alors toutes-puissantes, l’inoxydable combo nous revient aujourd’hui ragaillardi, avec sous son aile un sixième album studio virevoltant qui le replace dans le trio de tête des gardiens du temple power-pop, au côté des Posies et de Fountains Of Wayne.
Nos fringants quadragénaires le clament haut et fort sur l’un des sommets de ce très grand cru : « It’s never too late for teenage dreams ». Et cette formule, que l’on pourrait juger un peu facile de prime abord, résume en définitive plutôt bien le sentiment que l’on a toujours éprouvé à l’égard de la pop un brin ingénue de ce groupe peut-être ordinaire mais en réalité tellement essentiel. Il n’est jamais trop tard pour succomber aux sucreries pop ultramélodiques que Matthew Caws, Daniel Lorca et Ira Elliot ont une nouvelle fois confectionné pour notre plus grand plaisir. Alors bien sûr, on ne viendra pas chercher ici de révolution artistique inopinée, pas de remise en cause radicale dictée par un producteur ou un label dans le vent. On ne trouvera rien de tout ça sur « The Stars Are Indifferent To Astronomy », juste le charme intemporel d’une collection de chansons parfaites, des traditionnels petits brûlots électriques montés sur ressort (« Waiting For Something », « Teenage Dreams »), aux ballades mid-tempo qui rappellent les temps forts de l’inusable « Let Go » (When I Was Young », « Let The Fight Do The Fighting »).
Il faudra bien se résoudre à l’idée que ce nouvel album, certainement le plus accompli que la bande ait réalisé depuis une dizaine d’années, ne convertira que très peu de nouveaux adeptes à la musique de Nada Surf, résolument imperméable au cycle ininterrompu des modes. Mais à tous ceux qui se sont toujours obstinés à accorder à ce petit groupe majeur une place particulière dans leur panthéon personnel, il donnera cependant de nouvelles raisons de croire en ces paroles inoubliables des Go-Betweens (influence revendiquée du groupe) sur l’éternel « Bachelor Kisses » : « Don’t believe what you’ve heard, faithful’s not a bad word ». Des mots qui trouvent ici un nouvel écho saisissant.