LIBEN – Tout Va Disparaître
(Viva disc / PIAS Belgique / Bang!) [site]
Un projet de Vincent Liben est toujours un événement digne d’intérêt. Alors, lorsque le leader de Mud Flow décide de sortir un album solo, de surcroît en français, le suspense est à son comble et le paradoxe bat son plein : certes on a envie d’être surpris, mais pas trop quand même, de peur de perdre en chemin le plaisir procuré par la couleur très personnelle propre à Mud Flow, vous savez, cette espèce de magma mélodique baigné de cette singulière mélancolie. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, on sent qu’on n’a pas de souci à se faire, que c’est même une bonne chose que cette nouvelle incursion. Il n’aura pas échappé à l’oreille avertie, un poil imaginative, que le son boisé qui résonne à travers le toucher très particulier de Vincent est potentiellement taillé pour un tel créneau. C’est un peu comme si, entre les lignes rockeuses de Mud Flow, on avait toujours pu entendre cette petite voix qui n’attendait que d’oser faire le pas pour s’ouvrir à l’expression de nouvelles choses. Bas les masques ! Vincent qui, soit dit en passant, n’a nullement le dessein de mettre son groupe de côté, saisit à bras-le-corps son besoin de matérialiser ce qu’il n’a pu exprimer jusqu’ici avec Mud Flow, et c’est bien. Fini les exercices funambulesques où, haut perché, il flirtait avec le déséquilibre fatal. Ici tout est calibré au millimètre. De sa voix grave et posée, le Bruxellois aborde l’inépuisable sujet de l’amour à la façon désenchantée d’un Gainsbourg, époque "Melody Nelson", en moins narratif tout de même. Les tableaux s’enchevêtrent et se répondent en telle sorte que l’harmonie qui s’en dégage fait corps tant dans la forme que dans l’esprit. A l’autre bout de l’acteur masculin que Vincent incarne, sa muse, la douce Stéphanie Croibien donne le change sous des allures de nymphette, forte de sa voix gracile et enivrante. L’album foisonne de références, par ailleurs non dissimulées : les clins d’œil à Gainsbourg (avoués sans détour sur le magnifique "30 Décembre" avec ses oh et ses ah…) et à Yves Simon ne délogent jamais vraiment des dix historiettes. Pourtant, pas un instant les accointances n’assombrissent l’originalité de l’opus, celles-ci étant patinées de main de maître par l’immarcescible personnalité de l’auteur-compositeur-interpète-arrangeur. Autour d’un piano, d’une rythmique basse / batterie résolument funk et d’une guitare acoustique (exceptionnellement électrique sur le tubesque "Le Joli Mai"), qu’auréolent ici et là de discrètes cordes frottées, se tisse un voile mélancolique qui transcende cette touchante romance. Et s’il est vrai qu’un jour "Tout va disparaître", il est des choses qui demeurent plus que d’autres. Ce joli récit musical en fera certainement partie.
David Vertessen
A lire sur Mud Flow :
la chronique de "A Life on a Standby" (2005)
la chronique de "Ryunosuke" (2008)
l’interview (2008)
Trafalgar Square
Mademoiselle liberté
Je, si légère
30 Décembre
L’Air et sa constance
Camélia
Tes petits seins
Le Joli Mai
La Condition de l’allumette
Quand reviendras-tu ?