Robi, c’est d’abord et avant tout une présence. C’est étrange l’effet que me fait la musique de Chloé Robineau : je la vois, sens, avant de l’entendre ou presque. La force de cet entêtant “On ne meurt pas d’amour” ne cachait pas les immenses qualités de son premier album : elle n’en était que le plus fier étendard.
Celui-ci aurait pu être lourd à porter au moment de donner une suite à “L’Hiver et la joie”. Il est donc question de “La cavale”. Mais qu’est-ce qui peut donner encore envie de s’enfuir ? Comment retranscrire cette sensation ? A cette réponse, Robi amène une réponse en plusieurs teintes, et si le noir domine, il y a ce qu’il faut de souffle pour y laisser entrer la lumière. Entamé par une première chanson très ample, “L’Eternité”, le disque dévoile une Robi toujours habitée, dans un écrin étonnamment ouvert, une prise de hauteur qui pourtant annonce des nuances qui vont osciller avec bonheur entre frénésie noctambule et introspection vitale.
La Française est toujours plus séduisante quand elle instaure un rapport de séduction par sa voix profonde, qui s’accomode au mieux de ces instrumentations souvent fantomatiques, tenues parfois seulement par un clavier menaçant, quelques notes de basse ou quelques notes de guitare égrenées. Les discrètes enluminures assurées par Katel donnent beaucoup de texture (“Être là”) aux titres, tout en restant suffisamment subtiles et précises pour atteindre l’émotion sans pathos, la nuit avec ce qu’il faut d’étoiles pour s’y diriger. On peut y “Devenir fou”, y découvrir “Le Chaos” ou en faire une “Nuit de fête”. Robi saisit les infinies nuances qu’autorise l’obscurité, donnant aussi au disque une vraie dimension physique, charnelle : ce n’est pas un disque de veillée, il donne plutôt l’envie de profiter de ces moments éphémères.
La nuit devient alors plus que le simple paysage de ces onze morceaux, elle devient le personnage central de cette cavale menée de main de maître par son interprète. Robi, par sa présence et son charisme vocal, en est la voix idoine pour lui faire prendre forme dans toutes ses subtilités, donnant l’impression de donner beaucoup tout en restant un peu mystérieuse. Robi prend le peu de lumière de ses chansons pour les rendre magnifiques, habitées : ce n’est pas la moindre qualité de “La Cavale”, disque une fois de plus voué à accompagner ses auditeurs quand la nuit prend place.