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Disques

Pascal Bouaziz – Haikus

Pascal Bouaziz - Haikus

Pascal Bouaziz, que ce soit avec Bruit Noir, Mendelson ou désormais en solo, prouve une fois encore l’étendue de la palette de sa sensibilité, allant du monochrome anthracite au gris clair. Un album à la fois en forme de continuité et de surprise.

Quelle est la preuve du grand talent ? Quelque part, on peut voir comme une forme de contre–sens dans cette question. Car le grand talent n’a rien à prouver, nul besoin de démonstration. Comment définir les grands disques, les grands artistes ? Sans doute au spectre large de leurs voies empruntées. Pascal Bouaziz est de ceux-là. Lui qui au sein de Mendelson a toujours voulu tenter, tenter autre chose… Tenter les rencontres, les confrontations.

Ce premier album solo de Pascal Bouaziz  est une forme de contre-réaction au dernier disque de Mendelson mais aussi de Bruit Noir. Bien entendu, tout est dit dans le titre, « Haikus », avec ces titres au format bien plus ramassé tant  dans le contenant qu’au niveau des textes. De lâcher-prise, il est encore question ici. Cet album ne veut pas choisir entre une certaine manière d’aborder la frontalité et une forme de douceur encore loin de l’apaisement. A l’écoute du disque, on y croise un MarK Kozelek qui aurait découvert la concision ou un Buck 65 qui aurait laissé de côté le Spoken Word. Avec « Haikus », on a un peu l’impression d’assister à une manière de boucle. Comme si le Pascal Bouaziz de 2016 répondait à celui de 1997, de « L’avenir est devant », premier disque de son groupe. Comme une boucle où il retrouve ce Folk décharné, que l’on appelait à l’époque Lo-Fi. Cette voix qui n’a pas changé, qui a gardé cette distance pudique.

De l’inaugural et tout en langueur « Que du Bruit » comme un Mendelson apaisé, mettant à distance les stridences à la peinture d’un quotidien trivial mais empathique dans « La Trace », Pascal Bouaziz distille une autre forme de monochromie, une infime variation de gris clair,. Ca et là, au sein des « Haikus », on retrouve des ponts entre le disque solo et le premier recueil de poèmes de Pascal Bouaziz, « Passages », édité chez l’excellente maison d’édition Le Mot et Le Reste comme ce « Cessez d’écrire » comme un constat sur notre société de l’autolike et du nombrilisme. Entre la routine et une forme de distanciation où pointe souvent l’humour, Pascal Bouaziz baisse la garde dans ces petites merveilles de miniatures, folk à la façon de Grand Salvo ou de Leonard Cohen avec des titres comme « L’être humain » ou « S’il ne fallait que ça » (comme une prolongation d’ »Il n’y pas d’autre rêve »). Chez lui, pas de froideur mais pas de lyrisme non plus. Une musique terrienne, terrestre, ancrée au plus profond du sol. Chez Pascal Bouaziz, il y a ces petites vacheries qui tissent  une amertume drolatique comme sur ce « Miracle » au quatrième degré visiblement bien assumé.

On retrouve avec un grand plaisir la trop rare Lou qui revient bientôt avec un nouvel album. Elle qu’on avait croisée sur « Les Traces » de Filip Chretien. Il y a comme une évidence dans cette collaboration, comme l’extension d’un rythme entre les mots,  On pensera parfois à Manset pour cette froideur en trompe l’œil, ce malentendu volontaire, cette manière de parler de l’autre comme pour parler de soi. On y trouve aussi cette dilatation des mots, de leur sens, de ce jeu avec la répétition, du texte comme un élément harmonique parfois bien plus que comme acteur sémantique comme avec « L’ombre » par exemple. Avec « Haikus« , il y a comme une cohérence, une linéarité dans l’ensemble. Pour autant, n’y voyez pas ici l’aveu d’un sentiment d’ennui ressenti ou plutôt si. Ennui il y a bien car comme Mark Kozelek qui joue avec notre rapport à la lassitude  et à la torpeur, Pascal Bouaziz traville le même terrain, Aller chercher la singularité derrière la linéarité. Montrer que l’essentiel se situe ailleurs, dans notre capacité à investir le terrain neutre.

« Haikus » provoquera certainement la surprise à son écoute. Certains pourront même être déroutés par cette capacité de Pascal Bouaziz à transporter son travail musical ailleurs, toujours ailleurs. Lui qui pendant très longtemps était tellement rare est aujourd’hui bel et bien présent mais se régénère dans des projets tous tellement différents. Ce qu’il y a sans doute de commun à tous ces disques avec Mendelson, Bruit Noir ou ici en solo, c’est cette écriture à la fois économe et riche, blanche et à tiroirs, concise et ample.

Peut-être finalement la preuve d’un grand talent mais quelque part, on s’en fout un peu car avant toute chose, c’est surtout le regard d’un homme indépendant et libre.

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