JEREMY JAY – Slow Dance
(K Records / Differ-Ant) [site] – acheter ce disque
Il fut un temps… A une époque où le CBGB ouvrait encore ses portes, une étrange musique filtrait des murs de l’édifice : Talking Heads, Television, Richard Hell and The Voidoids, Blondie. Une nouvelle scène émergeait avec un poids commun : revenir à l’essentiel, à la réalité. The Modern Lovers de Jonathan Richman constituait un des premiers groupes à émerger de cette scène bouillonnante. Ayant vu la lumière velvetienne, Richman, avant qu’il se transforme en génial troubadour à la fin de la décennie seventies, signa avec le premier album des Modern Lovers un manifeste pré-punk qui allait poser les fondations de l’explosion de 1977. Simplicité des textes, accords simples plaqués avec rage et foi, Farfisa déboulonné et voix délicieusement discordante, tous ces ingrédients composèrent cet album séminal. Si l’influence de ce disque sur les hordes du punk-rock reste indéniable, sa portée s’étend encore jusqu’aux sombres rivages de l’année 2009. Signé par le mythique label K Records, et à peine un an après le prometteur "A Place Where We Could Go", Jeremy Jay donne dans "Slow Dance" sa propre interprétation des leçons de Richman & Co, en livrant un opus rempli de guitares au son clair, de batterie qui claque comme le coup de fouet d’une "Venus in Furs", et de morceaux de moins de trois minutes diablement ficelés. L’astuce de Jeremy Jay est de placer un vieux synthé ARP planqué derrière les couplets et surgissant comme un diable sortant d’une boite dès que le refrain déboule. Ce petit ajout confère à l’ensemble une touche de sophistication qui rend chaque écoute fascinante. Le tout sonne comme les Modern Lovers avec Tom Verlaine au chant et les Kraftwerk en invités surprises. L’exemple le plus parfait de cette synthèse reste "In The Lonely Town", tellement efficace et épurée qu’elle ferait passer The Nerves pour un groupe progressif. Le rythme de "Gallop", amorcé par des claquements de doigts très uptown rhythm’n’blues, fait décoller le morceau vers une progression d’accords tout en groove. Ecoutez ce tempo mat et fluide… Les synthés reviennent à l’assaut sur "Conter Conter" et "Slow Dance", incorporant dans cet album une dimension new-wave inhabituelle. Le chant de Jeremy Jay s’en ressent, et semble alors plus froid, distant, comme dans les premiers Ultravox ou Human League. L’artiste décroche la timbale pop avec "Winter Wonder", qui conte de manière simple et émouvante ces plaisirs simples à la fois enfantins et romantiques en hiver, les flocons de neige qui tombent, le patin à glace dans un Central Park fantasmé, le chocolat chaud… Ce thème pourtant archi-rebattu ne tombe malgré tout jamais dans la mièvrerie : sobre et touchant, comme cela doit être. "Slow Dance 2" ne repose que sur deux accords martelés au piano et des paroles minimalistes au possible, mais touche l’auditeur par ce qu’il sous-entend de soirées solitaires, d’hésitations, d’espoirs et de déroutes sentimentales, de sentiments inexprimés et de confusion. Une fallacieuse simplicité, un réel talent mélodique et des goûts inattaquables : c’est Jeremy Jay, et c’est maintenant.
Frédéric Antona
A lire également, sur Jeremy Jay :
la chronique de « A Place Where we Could Go » (2008)
We Were There
In This Lonely town
Gallop
Conter Conter
Slow Dance
Winter Wonder
Will You Dance With Me?
Breaking the Ice
Slow Dance 2
Where Could We Go Tonight?