De vieux compagnons de route que l’on prend un plaisir immense à retrouver. Finalement, rares sont les groupes comme les Tindersticks à avoir su traverser le temps, et à nous accompagner avec une classe et une grâce jamais démenties. Certes, dans leur histoire, quelques disques, notamment ceux de la fin de leur première “période”, au début des années 2000, sont apparus moins intenses et vibrants que leurs deux premiers essais sans titre sortis en 1993 et 1995, ou le récent “The Something Rain”. Mais Stuart A. Staples et ses hommes ont toujours réussi à se préserver des redites, en injectant constamment une part de danger et d’expérimentation dans leur musique. Se régénérer toujours, en poursuivant au long cours leurs collaborations avec Claire Denis, ou en développant des projets singuliers, comme “Minutes Bodies” en 2016 (et l’image cinématographique pour accompagner des plages plus instrumentales). Et puis il y a eu, pour Stuart A. Staples tout du moins, ces merveilleuses échappées en solo, culminant l’an passé avec l’exigeant et intranquille “Arrythmia”, disque en majesté au plus près du silence.
« No Treasure But Hope » s’offre aujourd’hui à nous comme une preuve éclatante d’un renouveau, annonçant peut-être un nouveau cycle pour le groupe. En enregistrant loin de leur bases et du repère creusois de leur leader, sur l’île grecque d’Ithaque, les Anglais opèrent un retour à l’essentiel, le piano plus que jamais au cœur de leur musique. Et se font, une fois de plus, maîtres de l’espace et du temps.
Sur ce douzième album, la voix de Stuart, toujours aussi admirable et économe, dit en peu de mots ce qu’ailleurs les bavards et les maladroits peinent à évoquer. Il y a ces premières phrases, comme un résumé de l’art musical des Tindersticks : « For the beauty, give me some to ease / There is an ache in our steps as walk through the streets ». Les sentiments qui se saisissent de nous et nous permettent d’échapper à notre quotidien. La beauté qui prend racine et se nourrit des souffrances vécues, pour mieux éclore, et nous saisir. « But it’s the beauty that stops me and brings to my knees / For it’s the beauty that’s got its claws in me ».
Il y a “Trees Fall”, sa voix enveloppante et ses cordes belles à pleurer, pour évoquer quelque chose comme une atmosphère de fin du monde, et quelques moments vécus avec l’être aimé, suspendus dans l’air, les seuls peut-être permettant de fuir, ou de résister. « The laughter bumps through the walls / And oh, are we tied to those moments for good? / The way the light was, the salt of our skin and the smell of the ocean ». Plus loin, “See My Girls” trouve, entre percussions légères et chœurs lointain, son équilibre mélodique miraculeux.
Et puis le morceau-titre, bâti autour des seuls piano et voix, sublime ballade qui referme le disque comme une invitation à s’accepter soi-même pour continuer à vivre. Pour qui en doutait ou l’avait oublié, la musique des Tindersticks reste bien l’une des précieuses au monde.