L’ultra-prolifique et versatile Kim revient avec un disque où le dépouillement musical – une guitare et un chant -le dispute à l’émotion qui se dégage de ses chansons. On pense notamment au récent ”Phone Orphans” de Laura Veirs, voire au mythique EP “Kicking a Couple Around” de Smog.
Tout le monde connaît la fameuse citation de Brian Eno à propos du premier album du Velvet Underground. Eh bien, j’ai un nouvel aphorisme pour vous : « Chaque personne qui a prêté une attention sincère à la discographie pléthorique de Kim considère l’un de ses albums comme une œuvre majeure. » Pour ce qui me concerne, la découverte en 1996 de “Our Dolly Lady Lane in Mk Land”, disque génial et foutraque qui évoque autant Daniel Johnston que Sebadoh, fut une révélation décisive. Gageons que le nouveau, “Livorno”, deviendra la nouvelle pierre angulaire de certaines discothèques !
La méthode pour construire cet album, relatée ici par Kim, est aussi claire que radicale. « Je n’ai pas du tout écrit l’album, je l’ai improvisé d’une seule traite. Le fait d’improviser les paroles en même temps que de les chanter en jouant de la guitare était un fantasme que j’avais depuis la découverte en 1991 d’un live pirate de The Cure enregistré en 1982 à l’Olympia de Paris. Le groupe y improvise une des meilleures versions de leur chanson inachevée ”Forever”, qui dure 12 minutes. Robert Smith est en lâcher-prise total et improvise le texte et la partie de guitare en même temps. Pour l’enregistrement, j’ai posé mon téléphone à côté de moi. J’ai mis le gain au max pour jouer tout doucement et qu’on entende la pièce. Ce qui ajoute du souffle… et j’aime le souffle. »
L’album s’ouvre sur des paroles simples et pures, « In your eyes, there were circles », chantées d’une voix douce et mélodieuse qui nous plonge aussitôt dans un océan de douceur et de calme. A la guitare, des ébauches d’arpèges, puis des accords sont posés délicatement. La magnifique surprise vient du fait que l’association de la spontanéité et de la maîtrise de son auteur permet à ces chansons d’avoir la légèreté de bulles de savon, tout en démontrant un sens mélodique incroyable ! L’album déroule comme une parenthèse cotonneuse et créé un espace, hors du temps, au sein duquel trouver un refuge bienvenu. Les inspirations (involontaires) de Kim pour ce disque confirment ce sentiment : Durutti Column, Nils Frahm ou Jackson C. Franck.
« Quand j’enregistre des disques, il y a toujours des trompe-l’œil, ou “trompe-l’oreille”, ou des éléments incongrus. », poursuit-il. Ici, le fait que le titre de l’album évoque Livorno (Livourne, en Toscane), la ville d’origine de Kim Giani, pourrait laisser à penser que le chant est en italien… alors qu’il lorgne vers les grandes plaines américaines.
Prenons la mesure du niveau de créativité de son auteur : « En réalité, je prépare un autre album folk depuis trois ans, mais je n’en suis pas content. Donc j’ai mis les chansons de côté. Je souhaitais retrouver une ambiance boisée. Alors, je me suis mis au défi de prendre la guitare folk de ma chérie, m’allonger sur le plancher, poser mon iPhone, et improviser, avec pour seul but de faire sonner l’ambiance de ce moment matinal. Le fait d’appuyer sur le bouton d’enregistrement sans avoir rien écrit, ni préparé, m’a mis un trac immense. Je me suis dit que c’était une bonne chose. Car je suis persuadé que la folk dépend avant tout de cette vibration-là, un moment d’intimité intimidant et tendu. »
“Livorno” est sorti le 25 février 2025 sur mklabel.