Plus de cinq ans après son excellent dernier album, Shannon Wright nous livre un nouvel opus, “Reservoir of Love”. Un disque marqué par les événements douloureux qui ont touché dernièrement l’artiste floridienne et francophile, entre maladie et disparition de proches.
Mine de rien, cela fait plus de 25 ans que Shannon Wright fait partie de notre paysage. Comme une sorte de repère, on y revient régulièrement pour plonger dans une discographie abondante et remarquable. Selon son humeur, l’auditeur trouvera toujours son plaisir ; l’énervé penchera vers les guitares noisy sur “Over the Sun” tandis que l’apaisé optera pour le piano-voix de “Providence” sorti il y a cinq ans, qui était son dernier album en date. Cinq années qui n’ont pas épargné l’artiste hébergée depuis presque toujours sur Vicious Circle. Philippe Couderc, le fondateur de ce label indé bordelais, et soutien sans faille de Shannon Wright, disparaît en 2021. L’an passé, c’est son fidèle « enregistreur » Steve Albini qui, à son tour, casse sa pipe. L’artiste côtoiera même de très près la camarde lorsqu’en 2022, une maladie auto-immune lui est diagnostiquée au dernier moment. C’est dire si Shannon Wright a dû puiser dans son « réservoir d’amour » pour écrire et enregistrer ces huit chansons, qui soufflent le chaud et le froid, alternent entre la fureur et le calme. Sur le morceau titre placé en ouverture, les quelques notes venues d’une boîte à musique cèdent vite la place à des guitares lourdes, sourdes, menaçantes presque. Le ton est donné et le titre se termine en joli clin d’œil à Sonic Youth période “Goo”.
Puis les guitares deviennent claires et les chœurs aériens (“The Hits”) avant de s’alourdir à nouveau sous le poids du soleil (“Weight of the Sun”). La multi-instrumentiste parvient encore à nous surprendre avec “Countless Days”, un de ses plus beaux titres et aussi un de ses plus orchestrés. Une voix feutrée accompagne un clavier rebondissant, puis viennent s’ajouter des violons grinçants et des violoncelles lugubres, à peine exorcisés par quelques notes légères (flûte ? harpe ?). PJ Harvey époque “To Bring You My Love” s’invite sur “Ballad of a Heist”, puis Shannon Wright clôt cet album concis avec deux titres dédiés à ses fantômes, soutiens de jeunesse et de toujours. “Shadows” en hommage à Philippe Couderc et le superbe “Something Borrowed” pour le regretté Steve Albini, avec sa ritournelle funéraire sur un piano sinistre puis rapide. Encore une chanson parmi ses plus poignantes, pour clore ce qui est peut-être son plus bel album.