Appelez l’hosto, revoilà Lafore avec un EP de cinq nouveaux titres. Toujours aussi frapadingue, triste et drôle, en pleine dissolution/évaporation du moi dans un trop d’amour maladif.
David Lafore est un peu toc-toc, c’est entendu. C’est peut-être LE grand chanteur de la folie, depuis “La Tête contre le mur”, 2021, grand prix de l’Académie Charles Cros (vous savez, comme pour “Harvest” de Neil Young, le petit macaron qu’on voyait imprimé sur la pochette du CD).
Visiblement, ça ne va pas beaucoup mieux depuis “Incompréhensible”. On est, semble-t-il, mais espérons que ce ne soit qu’une posture d’écriture, dans une dépression post-rupture longue, aiguë et pas très gaie…
On pensait que plonger dans l’antre de la folie des autres (“La Tête contre le mur”) aurait une fonction cathartique. Ce n’est pas le cas…
Heureusement, David Lafore a beaucoup d’humour, noir, et s’amuse, encore, à tripoter de la guitare, des machines, et à tâter du texte pour camper, de l’intérieur, ses personnages qui ne tournent pas rond, se dissolvent dans l’autre et dans leur environnement.
Alors, du rap déviant (« un-échec-quel-échec ? Un-échec-quel-échec ? » ad lib… et les « shots-shots-shots » mitraillés dans “Toc toc toc”, la chanson) au hard rock épique et glorieux de “Toimoi” (entre Weezer et… FFF ????), acide et sucré comme une “Mandarine”, on est dans le grand écart constant, entre le grand éclat de rire et les larmes du clown… C’est finalement presque plus effrayant que les lectures musicales des personnages, psychotiques déjà, de “La Tête contre le mur”, dont “Toc toc toc” est le double, le prolongement en miniature. Et, contagion maladive, c’est assez réjouissant.
David Lafore est-il un Philippe Katerine plus profond ? Il y a beaucoup de mise en danger dans cet EP, et une certaine grandeur à se mettre à nu et à brûler ses vaisseaux.
Il y a aussi sans doute du Dominique A dans “J’ai peur”, courage des oiseaux modernes, forcément terrifiant, fusionnant Psycho et Birds….
David Lafore est aussi une Salomé qui danse, un Jean-Baptiste dans le fond de la citerne (“Décollé”) car finalement, pour nous expatriés loin de la France et privés de la tournée interminable de Lafore, il est celui de l’enregistrement, de la musique à danser chez soi, dans sa tête. On l’imagine même peut-être se rêvant diffusé dans des boîtes de nuit (forcément du passé-qui-est-présent-éternel-et-donc-futur), entre Images et Kassav’, (Noir) Boy George et Prince. Et The Knife.
David Lafore est notre Calvin Johnson à la sauce Brassens, notre Jonathan Richman barbaresque. Notre Christophe Tarkos chanteur. C’est le meilleur.
Avec l’aide de Johanna D., neverending correcting.