Avec “Everything Is Alive“, Slowdive réussit à quitter sa décennie de prédilection pour entamer une nouvelle carrière sous le signe de la dream pop. Retour sur un très beau disque sorti au tout début de la rentrée.
Des décennies ont passé depuis l’avènement du shoegaze, genre musical ancré dans les années 90, où des groupes de rock noyaient à foison leur mélancolie dans un déluge de guitares distordues. Contempler ses chaussures avant d’enclencher un nouvel effet, beaucoup de réverbération, du delay aussi et vous vous retrouvez instantanément dans une bulle sonore/sonique qui vous isole et vous protège comme jamais du reste du monde.
Ride, My Bloody Valentine, et aussi Slowdive en furent les figures de proue avant de se faire plus rares. Sauf que pour ces derniers, il semble bien y avoir un après, et il vaut sans doute bien l’avant – leur concert à la Cigale en janvier prochain était déjà complet quelques heures après la mise en vente des places ! Le groupe ne se s’est pas perdu en studio comme Kevin Shields et ses membres n’ont pas rejoint les rangs d’Oasis comme Andy Bell. En revenant avec un très bon disque en 2017, Slowdive s’est même trouvé un nouveau public, plus jeune, probablement né à l’époque où “Just For a Day“ était enregistré. Le groupe peut maintenant se targuer d’une seconde carrière avec “Everything Is Alive“, album sorti à point nommé au début de l’automne.
Le Slowdive de 2023 risque même de surprendre les fans de la première heure. Plus proches du post-rock et de l’actuelle vague dream pop (dont ils sont aujourd’hui considérés comme des précurseurs), les compositions se sont enrichies de synthétiseurs hypnotiques et de glissandi de guitare qui s’inspirent des derniers albums de Mogwai, voire de Explosions In The Sky. Le tempo, lui, s’accélère sur certains morceaux (“The Slab“ culmine à 150 bpm, bien loin du spleen lent des premières compositions du groupe).
Il subsiste néanmoins un marqueur intemporel, une réelle chaleur apportée par les voix de Rachel Goswell et Neil Hasltead. Des titres comme “Prayer Remembered“ (qui reprend le fil mélodique tissé sur “Slomo”, un morceau de leur précédent opus) et “Chained to a Cloud“ progressent comme la bande-son d’un film imaginaire qui se déroulerait dans des paysages désertiques. “Skin in the Game“ s’étire langoureusement, alors qu’“Alife“ nous entraîne dans son enchevêtrement de riffs quasi primesautiers.
On sent bien que le groupe, fort de sa longue expérience, enchaîne sans effort des chansons prenantes et particulièrement efficaces qui se construisent autour de l’apparente simplicité de notes de guitare réverbérées, jouées à l’infini. Au fil des écoutes, on reste difficilement insensible au plaisir qui se dégage de l’osmose liant les musiciens.
Si certains trouvent probablement cela ennuyeux, on ne sera guère surpris que d’autres apprécient le côté hypnotique d’une telle musique qui vous emporte, le temps d’une écoute, loin des turpitudes du quotidien. On comprend mieux comment un public plus jeune avide de dream pop est soudainement devenu fan de Slowdive. Continuer de surprendre et emporter l’adhésion d’une nouvelle génération, voilà ce qu’aura réussi, contre toute attente, la bande de Rachel Goswell et Neil Hasltead. Pas mal pour un groupe qui passe son temps à contempler ses chaussures.
(Article rédigé à quatre mains avec Mathieu Gandin, et révisé par Vincent Arquillière)
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