L’ex-Da Capo livre ses chansons buissonnières sous une forme allégée dans une sorte de best-of qui aligne douze tours de force mélodiques.
On a d’abord connu Nicolas Paugam au sein de Da Capo, le groupe formé avec son frère Alexandre dans les années 90, dont la pop délicate et ouvragée trouva à ses débuts refuge sur le label Lithium (le bel album néobaroque “Minor Swing” en 1997). Depuis la fin des années 2000, tandis qu’Alexandre préside désormais seul aux destinées de Da Capo, il mène une carrière solo discrète mais constante dans la qualité. Son sixième album, “La Délicatesse”, le voit revisiter des morceaux issus de certains de ses albums précédents auxquels s’ajoutent trois inédits, et constitue une bonne porte d’entrée dans son univers.
On ne parlera pas ici de minimalisme, plutôt de réduction à l’essentiel des chansons, généralement privées d’électricité. Sur un entrelacs de belles guitares acoustiques, d’un peu de claviers, synthés et percussions, sinue une voix légèrement tremblée qui peut partir dans des aigus inattendus. Un chant qui nécessite sans doute un petit temps d’adaptation tant il est en rupture avec les usages, délicieusement biscornu, semblant inventer au fur et à mesure sa ligne mélodique, sa propre justesse. Il rappelle d’ailleurs parfois celui de JP Nataf, invité sur un morceau de l’album précédent, “L’Homme heureux”, qui figure ici dans une nouvelle version.
L’unité de l’ensemble n’empêche pas les contrastes et une belle variété d’approches, entre “En pantalon qui va bien”, d’une douceur qui évoque Albin de la Simone, et “Sous la houlette”, plus électrique et assez rythmé. On pense un peu à Pierre Vassiliu, beaucoup à Dick Annegarn, mais Nicolas Paugam, le plus bahianais des auteurs-compositeurs-interprètes du Haut-Vivarais (écoutez “La lumière est immense”, “Si tu vas à San Franciscoco” ou “La vie c’est bien trop compliqué” pour vous en convaincre), invoque surtout le souvenir d’un des meilleurs passeurs français de la musique brésilienne, Pierre Barouh, et notamment son album “Le Pollen” (1982) enregistré avec des musiciens japonais dont le regretté Ryuichi Sakamoto.
Les textes, eux, tournent souvent autour de la famille, en particulier le père comme ombre tutélaire, mais il n’est pas toujours facile d’en discerner la part d’autobiographie – et tant mieux. Ils semblent procéder par associations d’idées, sans jamais perdre celle de départ. A une description terre-à-terre peut succéder sans prévenir un éclat poétique qui dit l’émerveillement devant le monde d’un chanteur semblant s’étonner de ses propres trouvailles. Mais derrière la fantaisie (“La Chanson annonciatrice” énumère races de vaches et autres animaux, fromages et charcutailles) peut se glisser une critique sociale et politique subtile, parfois plus frontale : « L’homme est un con et au plus vite il doit disparaître ».
Et ainsi chemine avec persévérance Nicolas le bienheureux, à qui ne manque qu’une reconnaissance publique à la hauteur de son talent.
Sorti le 1er septembre en CD et numérique.
La discographie de Nicolas Paugam est en écoute sur Bandcamp.