High level, gros niveau : direction le septième ciel. Deerhoof aux prises, pour la première fois de son histoire, avec un producteur et, finalement, l’album le plus direct de sa carrière. Et tout en japonais, s’il vous plaît !
À chacun sa guerre. À celle du fric, du conformisme, de l’Empire, Deerhoof oppose l’amour, la folie, le métissage des genres. Et l’endurance. Une endurance bien au-delà de celle des mentors des générations précédentes. Vingt-huit ans de carrière, dix-neuf albums au compteur dont neuf malheureuses chroniques rien que sur ce site. D’ailleurs, de carrière, Deerhoof n’a cure. Passion, amitiés, envie de s’amuser, oui. Et d’explorer de nouvelles pistes.
On savait les Deerhoof minutieux, capables de gérer leurs collages à distance, avec un Greg Saunier, metteur en son tatillon, obsédé de détails. Les voici, pour ce “Miracle-Level”, tous réunis en studio pour la première fois depuis un bail sous la houlette d’un… producteur (Mike Bridavsky dans son No Fun Club Studio) !!! Quelle mouche les pique tous ? Est-ce un effet post-Covid ? Wilco aurait enregistré son “Cruel Country” dans les mêmes conditions. Retour au Loft… Retour à la magie de l’Ensemble.
Mais au fond, qu’est-ce que cela change ? Finalement peu, pour ceux qui suivent Deerhoof sur disque mais aussi en concert. À la maniaquerie sonore se substituent une folle énergie et une cohérence assez étonnante. C’est ce que l’on retrouve sur ce disque qui nous fait éprouver l’âme concertante de Deerhoof dans l’écrin du studio. “Miracle-Level” est un album plus direct donc, moins fouillé ou raffiné dans sa production, mais qui conserve intacte toute la puissance de feu scénique du groupe. Finies les prises de tête des albums des années 2010, retour au feu sacré des quatre individualités bien trempées qui font de chaque concert un événement unique et, avouons-le, sportif.
On retrouvera donc une rythmique puissante, assez sèche, dans les graves, un peu lointaine dans les toms avec un Greg Saunier maître des horloges en binôme avec la basse de Satomi, elle aussi un peu en retrait. Place aux riffs donc, déments comme sur “At the Moon Laughs“ ou aux soli dépravés comme sur “My Lovely Cat“. La complète galette saucisse peut-être servie sur “Phase Out“ : avec des guitares qui s’étirent et des micro riffs suraigus.
Place aux chansons donc, puisque c’est le propos. “The Poignant Melody“, “Miracle-Level“ sont des petits miracles de douceurs, de jeux sur les sons cristallins et des jeux de peaux de toms plus mats. Avec cette touche japonaise exclusive puisque Deerhoof a décidé, pour cet album, de mettre la langue de Satomi à l’honneur et de nous bercer dans ce nuage à la fois si distancié et terriblement proche. Promis, un jour on vous reparle de ce coffret fou et tout aussi miraculeux des Tenniscoats, “Music Exists” : l’état de grâce. Restons sur la grâce, et lovons-nous avec Satomi dans le japonais exotique et proche, totalement hermétique pour nous et acceptons-en l’étonnante beauté.
Si nouveauté il y a, elle est ici dans la facilité et la douceur pop, quasi Tenniscoats donc, de la voix de Satomi investissant et combattant l’espace colonisé par l’anglais. Comme une contamination, le chant devient duo avec Greg sur “Everybody Marvel“ ou se diffuse avec Saunier en solo de japonais sur le dernier titre. La fragilité est à l’œuvre sur ce “Miracle-Level”, avec un Greg au bord de la rupture jouant du clavier solo sur “Wedding, March, Flower“, ou encore avec le retour gagnant de la douceur pop sur “The Little Maker“, ces deux derniers titres presque à ranger chez l’ex-Deerhoof, Chris Cohen.
Mais ce retour à l’efficacité de la chanson et à l’éloge de la douceur ne doit pas masquer les habituelles et pyrotechniques prises de risques de riffs couche sur couche (la doublette de cinglerie John Dieterich/Ed Rodriguez), les glissades punk, les cavalcades de batterie, ou les montagnes russes du chant. Entendre le brulôt “Sit Down Let Me Tell You a Story“ ou encore “Phase-Out All Remaining Non-Miracles“, dans le genre de… l’acid funk ? Quant à “Momentary Art of Soul“, on touche à la folie furieuse du math-mariachi-rock…
Pour le reste, on attendra les éventuelles traductions des textes pour savoir ce que Deerhoof a dans le ventre. On nous a promis de la politique, on veut bien le croire à l’écoute de cette politique des auteurs en acte, tout en poésie et ouvertures.
Les Deerhoof maîtrisent parfaitement l’art de la composition en studio et on sait qu’ils sont sur scène comme à la ville. Cet album le montre encore parfaitement. Prise sur vif, l’anguille Deerhoof file et mord encore. Insaisissables, puissants, touchants : Deerhoof notre étalon, notre phénix.
Avec l’aide de Johanna D., mariachi enchilada.
“Miracle-Level” est sorti le 31 mars 2023 sur Joyfull Noise Recordings.
[TERMINÉ] Gagnez des places pour Deerhoof le 7 novembre à la Maroquinerie ! – POPnews
[…] même. Si leurs albums restent des étapes-signes importants de leur « carrière » (le dernier, “Miracle-Level”, est sorti en mars), c’est évidemment sur scène que Deerhoof prend tout son sens, révèle son […]