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Cathal Coughlan has left the mansion

On a appris avec beaucoup de tristesse ce lundi le décès à 61 ans de l’Irlandais Cathal Coughlan, personnalité majeure du rock et de la pop de ces quarante dernières années, « des suites d’une longue maladie ». Avec le guitariste Sean O’Hagan, il avait formé au début des années 80 à Cork (avant de déménager à Londres en 1983) le groupe Microdisney qui, après des débuts dans une veine post-punk, s’était orienté vers une écriture plus classique. Aussi brillante que celle de Morrissey et Johnny Marr – mais moins célébrée –, l’alliance entre, d’une part, la voix profonde (allant parfois jusqu’au hurlement cathartique) et les textes grinçants et amers de Coughlan, de l’autre le jeu de guitare délié d’O’Hagan et son goût pour la mélodie, fit merveille sur les deux premiers albums parus chez Rough Trade, “Everybody Is Fantastic” (1984) et “The Clock Comes Down the Stairs” (1985).

Parfait contemporain des Smiths, Microdisney en sortit encore deux autres (chez Virgin), moins inspirés malgré d’excellents singles comme “Town to Town” ou l’impitoyable “Singer’s Hampstead Home”. Ils taquinèrent le Top 40 mais le succès resta d’estime, à chercher plutôt du côté de John Peel (ils ont enregistré plusieurs sessions).

Là aussi, le mariage de deux personnalités aussi opposées ne pouvait durer très longtemps, et en 1988 chacun part de son côté. Sean pousse encore plus loin sa fascination pour le son californien de Steely Dan et des Beach Boys seventies avec les merveilleux High Llamas, tandis que Cathal choisit d’élargir sa palette en formant les Fatima Mansions (du nom d’un complexe de logements sociaux dans la banlieue de Dublin, qu’on imagine pas follement riant). Plus remonté que jamais, il fait feu musicalement de tout bois, de la plus grande douceur au rock le plus extrême. Le mini-album “Bertie’s Brochures” (1991) contient ainsi des ballades sublimes (dont la chanson titre, son chef-d’œuvre peut-être), des reprises belles à pleurer de Scott Walker – qu’il adule – et Richard Thompson, et, entre les deux, des trucs bons à interner, dont une version techno-rap-indus du tout juste sorti “Shiny Happy People” de R.E.M. émaillée de « go fuck yourself »

L’année suivante, le groupe fait la première partie de U2 sur quelques dates européennes, chose étrange dans la mesure où son leader est souvent considéré comme « l’anti-Bono ». De fait, ça ne se passe pas très bien. Performer d’une rare intensité, incapable de faire semblant, Coughlan semble avoir un rapport aussi conflictuel que sa compatriote Sinead O’Connor avec la religion catholique et son emprise sur l’Irlande. Avec son sens de la provoc, son « sometimes confrontational songcraft » (comme l’écrit le “Guardian”) et son intégrité peu compatible avec les petits arrangements du showbiz, un succès de masse semble hors de portée – contrairement au sabordage.

L’aventure Fatima Mansions terminée, il s’éloignera encore plus du mainstream, alternant albums solo confidentiels – et plus apaisés – et collaborations (avec Luke Haines, François Ribac…). Après une brève reformation scénique de Microdisney, il semblait avoir retrouvé une activité plus régulière, sortant en 2021 son premier album sous son seul nom depuis onze ans, puis cette année un curieux disque avec le producteur très coté Jacknife Lee sous le nom de Telefís, résultat d’échanges de fichiers pendant le confinement. Sa disparition nous fait d’autant plus de peine. Reste une œuvre et une vision du monde uniques, et l’une des voix les plus bouleversantes de sa génération.

Photo : Bleddyn Butcher.

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