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Disques

Joni Île – Méteorage

Avis de tempête rentrée : Joni Île se la joue râleuse tranquille, en français sur une petite cassette idéale faisant le trait d’union entre Peter Parker Experience et Maison Neuve, sublimant les peines, nos peines, en les rehaussant de traits lumineux.

Joni Île, c’est une petite brise tombée sur nos côtes qui vient d’un raz-de-marée d’émotions musicales venues d’autres îles, grand-bretonnes du Nord voire de la côte est de l’Atlantique, Hoboken pour être précis, vous l’avez cherché. C’est donc tout un archipel intime et dont on est prêt à défendre chaque parcelle qui est convié dans cet avis de “Méteorage” et de désespoir aux bras certes ballants mais moulinant quand même devant une six-cordes. On fait de la poésie sans y penser (de trop), on compose comme ça vient sans trop réfléchir à faire œuvre et c’est sacrément touchant. Joni Île, on l’imagine (on le souhaiterait ?), c’est notre bonne copine dégingandée qui gratte depuis toujours, claviote sans peine, celle qui griffonnait dans un carnet pendant les cours de physique. On reconnaît toute une école, notre école, ceux de la glande facile, des sans-grade, des petits cœurs brisés, des mal (ou pas) appariés, des indécis.

« Nous sommes des fragments

sans aucun doute

des fragments

de vie de route

de moteurs fumants

et menteurs

incapables de hauteur

Nous sommes inexistants »

(“Fragments”)

C’est cette petite forme, celle du non-étendard qu’on aime tant, celle des cassettes de Daniel Johnston (les claviers cheapos), celle de Moe Tucker à Georgia Hubley, la voix blanche qui peine à s’élever, anti-diva.

Ce n’est pas parce que la demoiselle ne sait pas où elle va, ou avec qui, qu’elle n’avance pas. Dans un demi-sommeil, ou une demi-inconscience poétique, Joni Île pose ses jalons comme autant de fleurs sur un chemin avec d’authentiques trouvailles :

« Je voudrais que quelqu’un m’aime

je ne rêve que de ça

Je voudrais que quelqu’un m’aime

mais quelqu’un d’autre que toi

Je voudrais que quelqu’un m’aime… »

(“Marions-nous”)

 ou 

« Je prends de la distance 

sur les choses

m’élève comme un soleil

tout est question d’échelle

de distance

d’échelle

proche ou loin c’est pareil

Bonsoir

la liaison se barre

la con- se découpe 

-versation

en retard »

 (“1+1”)

Voilà, et donc sans y toucher, avec une technique de guitare sommaire, et un logiciel maison, évidemment, Joni île produit une petite cassette d’une vingtaine de minutes aussi essentielle qu’un café matinal et un petit-déj’ au lit. Maison Neuve nous avait laissé orphelins, Joni Île prend la relève et c’est heureux. Merci à elle et à Renaud Sachet de “Langue pendue” de nous livrer ce petit bijou du printemps.

Ah, et par un hasard (en est-ce vraiment un ?) quasi prophétique, Joni île enregistre sans doute LA chanson de nos dimanches électoraux passés, et non, on l’espère, de notre futur, “Château fort” :

« Je prends la forme du canapé 

et ne suis jamais en forme

Dimanche

tu me fais douter

Rassure-moi

que je m’endorme

Si j’y vais

n’y vais pas

que va-t-il se passer ?

Tu m’en voudras sûrement

de ne rien assumer

Je suis reine des regrets

les décisions ne sont jamais 

mon

château fort »

Décidément, de “Château perdu” (Cléa Vincent) en “Château fort”, les princesses de la pop, dames aux petites manches et en sweat-shirt, nous emprisonnent dans leurs forteresses intimes et poétiques. Longue vie aux filles-fleurs !

Avec l’aide de Johanna D.éville lès Rouen

« Météorage » est sorti en cassette et numérique le 20 avril 2022 sur le label Langue pendue.

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