DORINE_MURAILLE
Premier album sous le nom de Dorine_muraille pour Julien Loquet, aussi connu sous le sobriquet de gel: et expatrié pour l’occasion sur le label anglais Fat Cat. l’occasion d’une rencontre, pour situer le jeune homme et sa musique.
Comment es-tu arrivé à la musique électronique ?
Dorine_Muraille : Pour être franc, je n’ai pas vraiment l’impression de faire de la musique électronique.
Comment qualifierais-tu donc ta musique ?
Je pense que je fais un travail de recherche. Ce qui m’intéresse avant la musique, c’est le son. Pour moi ce qui excitant, et c’est en cela que la technologie est vraiment importante, c’est qu’il est aujourd’hui possible de représenter des sons, des ondes, des fréquences, que l’on ne pouvait pas représenter il y a encore 10 ans. C’est en quelque sorte l’équivalent de l’arrivée du microscope dans le monde de la médecine qui d’un coup permet d’analyser des choses que l’on ne pouvait pas étudier auparavant.
Du reste, avec certains systèmes de diffusion, tu peux réellement présenter le son d’une manière différente. Il suffit d’observer les progrès qu’ont fait les sonos en près de 20 ans. Elles encaissent de plus en plus de fréquences extrêmes de sorte que beaucoup plus de sons passent. Sans compter que maintenant, et bien que ça n’ait grand chose à voir pour moi c’est lié, la plupart des foyers sont équipés de système de diffusion 5.1 pour leur DVD. C’est déjà une autre représentation du son. Le cinéma tel qu’on le connaît est en phase terminale. Cela n’empêche pas qu’il y ait de bons films mais l’esthétique est épuisée. L’avenir c’est le virtuel, le mec derrière ses ordinateurs, des voies comme celles-là. Idem pour la musique.
Est-ce que pour autant cela veut dire que des instruments comme les guitares, les violons n’ont plus d’intérêt pour toi ?
Non bien sûr, mais ils ne m’intéressent qu’en tant que générateur de sons. Ce qui est intéressant c’est la découverte. Les progrès de l’informatique sont tels qu’il y a de nouvelles expériences à faire.
A quoi penses-tu ?
Je pense qu’il y a énormément de choses qui n’ont pas été faites. Des choses purement techniques mais que je ne suis pas en mesure de réaliser faute de moyen. Je pense notamment à des expériences en rapport avec le traitement audio en temps réel.
Te sens-tu limité ?
Je suis toujours limité. Si je pouvais avoir 10 portables qui tournent en même temps, ce serait super. Après tu peux imaginer plein de choses.
Ceci étant, "l’exécution pure" ne te manque-t-elle pas ?
Non dans la mesure où je ne suis absolument pas interprète. Moi, je joue de l’ordinateur. Je joue bien de quelques instruments comme ça mais sans être interprète. Les interprètes ce sont les solistes, les pianistes, ce sont des gens qui vont jusqu’au bout, qui ne font que ça.
Quelles sont les circonstances qui font que ton disque sorte chez Fat Cat ?
Dave de Fat Cat connaissait un petit peu Gel:. Il aimait bien mais sans plus. Et puis un jour je lui ai dit que je ferais un disque rien que pour lui. J’ai fini par le faire. Je le lui ai envoyé. Ça lui a plu et il l’a sorti tout simplement.
Comment travailles-tu ? Cela peut paraître parfois assez aléatoire… As tu des procédés de composition ?
Ce que je peux dire c’est que je n’aime pas la musique séquencée, figée. Une composition, il faut que cela évolue, qu’elle soit changeante. Personnellement, il est clair que je ne cherche pas à faire des chansons bien qu’il y ait des éléments qui puissent s’y rapporter. Je travaille plutôt image par image. Je me sens plus proche de la peinture et du graphisme que de la composition au sens strict. C’est de l’assemblage. Ca me rappelle les Lego. Il y a quelques choses de cet ordre là. Plus tu apprends et maîtrises les logiciels, plus ce que tu vois représenté à l’écran, tu sais presque comment ça va sonner.
Peux-tu nous parler des diverses collaborations qui traversent Mani ?
Exceptées les interventions de Chloé Delaume au niveau de la voix et des textes, ce sont des clins d’œil à des amis car j’ai toujours bossé tout seul sur cet album.
De qui te sens-tu proche ?
D’Oval. Il est d’une autre génération que la mienne mais à mon sens, sans être prétentieux, c’est mon seul rival. Son deuxième disque, "Commers", est vraiment une référence. Dans 10 ans, des gens se réclameront de lui, c’est sûr. A la première écoute, tu entends tout de suite qu’il se soucie du son.
Quelles sont tes attentes avec ce disque ?
Je pense que je vais faire quelques concerts pour Mani mais ce qui m’importe, pour le moment, c’est de terminer le nouveau disque. Il va falloir que je trouve un moyen de passer à la vitesse supérieure, qu’il n’y ait plus de consensus.
Est-ce la vente de tes disques ou les concerts qui t’assurent des revenus ?
Un peu les deux mais la sortie de "-1" a bien marché au Japon et puis là-bas tu gagnes plus sur les disques qu’en France. Ensuite, les concerts de "laptop music" avant de te permettre de faire un petit peu d’argent et bien qu’ils ne soient pas vraiment satisfaisants, te permettent avant tout de voyager.
Es-tu satisfait de la promotion de ton disque ?
Oui. Fat Cat, c’est bien distribué. Puis, je sais pas, les gens, ils n’ont qu’à acheter les disques sur le net.
Est-ce que cela te pose des problèmes qu’ont puisse trouver tes disques sur des sites de téléchargement ?
Absolument pas. C’est un très bon moyen de diffusion. Ce qui compte c’est que la musique sorte. Je préfère, à la limite, qu’il y ait 1000 personnes qui aient le disque gravé que 500 exemplaires qui soient vendus.
Quels sont tes projets ?
Je vais sortir un deuxième disque avec eux. Je suis en passe de le finir d’ici quelques mois.
Quels sont tes objectifs ?
Avoir des moyens pour travailler, une résidence quelque part, un studio, aller à l’I.R.C.A.M, cela ne me dérangerait pas… J’ai été en contact avec quelqu’un de là bas qui par mail me demandait qu’est ce qu’un musicien comme moi pourrait venir faire à l’I.R.C.A.M… mais rien de très précis.
propos recueillis par Philippe