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Monade – Interview

Monade au Violon Dingue @ NantesA la veille de jouer à Mains d’œuvres, Monade faisait une étape dans un café-théâtre de Nantes, le Violon Dingue, où l’association Pam l’avait convié à jouer, avec les excellents Felix Hans en première partie.
L’occasion de croiser la moitié de Stereolab avec ses nouveaux amis bordelais et de lui poser quelques questions sur ce side-project dont la simplicité rafraîchissante avait séduit, il y a quelques mois, à l’occasion de la sortie de « Socialisme ou Barbarie ».
Une interview où se croiseront Gainsbourg, Brassens et Colette Magny. Une discussion où l’on en apprendra un peu plus sur ce qui caractérise les Anglais et les Français. Un exposé où l’on découvrira le fonctionnement de la complexe machine Stereolab et les méthodes de recrutement bonne franquette de Laetitia Sadier… Si elle commence en solo cette interview, – les autres Monade restent attentifs et silencieux les deux tiers du temps – Laetitia incitera Xavier, Nicolas et Marie à se joindre à elle à la fin car, Monade, qu’on se le dise, c’est un vrai groupe, avec 4 personnalités complémentaires et unies dont le seul but est de faire une œuvre belle et simple. C’est si rare, finalement, que ça mérite d’être souligné.

On avait l’habitude de références philosophiques dans tes textes. Là, c’est ton nouveau projet qui emprunte son nom à Leibniz : qu’est-ce qui a guidé ton choix ?
En fait, c’est pas Leibniz directement. Monade, c’est un terme que j’ai découvert chez Cornelius Castoriadis [Philosophe, économiste et psychanalyste marxiste, disparu en 1997, fondateur avec Claude Lefort de la revue « Socialisme ou Barbarie » dont l’album de Monade emprunte le titre ] et qui avait plutôt – c’était assez étrange – une valeur psychologique. Une valeur qui a rapport avec la tête, le cerveau. Et comme quoi c’était une partie du cerveau, absolue, où il n’y a pas de contradiction, où il y a – et ça rejoint l’idée des monades de Leibniz, je pense – l’idée que c’est un truc entier, que l’on ne peux pas peler… c’est l’antipode de l’oignon, quoi !

L’idée de Leibniz, c’est que la monade représente la partie la plus basique qui soit, se résumant à elle-même et qui contient tous les possibles. Est-ce que c’est ce que représente ton groupe actuel ?
Tout ce qui est possible ? Oui, bien sur, c’est tout ce qui est possible, tout ce que j’ai envie de mettre dans une chanson mais ça marche aussi avec ce que je trouve sur mon chemin, quand je joue de la guitare, notamment. Et ce qui me plaît. Et là, oui, tout est possible, effectivement. Et, après, c’est une question d’association d’éléments, de parties et, des fois, ça colle ensemble et des fois pas… Oui, c’est ça, en principe, l’idée de l’Art aussi : on ne va pas se mettre des limites mais creuser des tunnels et dévoiler le plus que l’on peut. Et c’est un truc que j’ai remarqué avec Monade, c’est de découvrir des choses qui sont déjà là, de les dévoiler même si, en théorie, j’aurais plutôt une approche en terme de création où tu as une idée et tu la mets en œuvre, je me rends compte, en écrivant ces chansons, qu’en fait, je n’ai pas d’idées mais que je dévoile des choses. En les faisant, il y a comme un dévoilement qui se produit… Enfin, j’espère qu’un jour j’aurais de idées que je mettrais en œuvre mais c’est pas comme ça que ça se passe pour le moment. C’est plutôt « qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qu’il y a là ? » et on gratte, on gratte, on gratte, comme les chiens-chiens et on trouve… Ou on ne trouve pas.

Le disque de Monade a été enregistré entre 96 et 2003, qu’est-ce qui explique ce délai ?
Peut-être… Pendant longtemps, pour moi, écrire une chanson, ça relevait du miracle et j’en écrivais très rarement. C’était pas un truc très conscient où je m’assois derrière mon 4 pistes et, attention, je vais écrire une chanson maintenant. Non, c’était presque des actes inconscients où, tiens, je me retrouvais devant le 4 pistes et, paf, j’écrivais une chanson… Et je me sentais libérée d’un truc ou j’étais contente : j’avais créé une chose. Tu vois, c’était un peu de cet ordre là. Et j’étais pas encouragée ou motivée, de manière consciente pour faire ça. C’était : « Tim, il écrit les chansons pour Stereolab » et, moi, de temps en temps je faisais un truc, voilà… Et, en fait, c’est assez récent que je puisse me dire, je vais m’asseoir, je vais travailler, je vais écrire une chanson… Ça se passe comme ça et je ne sais pas pourquoi ça s’est fait comme ça. En fait, je me suis rendue compte, un jour, que j’avais 6 chansons et que si j’en écrivais six de plus, ça pourrait faire un album. Et là, tout de suite, ça a pris une autre tournure, tu vois…

Justement, ce disque commence par un morceau qui s’appelle « Enfin seule ». Est-ce que Monade, c’est toi « enfin seule » ? Est-ce qu’il y a un démarquage ?
C’est moi avec mes acolytes… Oui, c’est sûr qu’il y avait un désir de me retrouver seule face à moi-même et de pas me cacher derrière les autres ou je ne sais plus trop quoi. Oui, j’avais besoin d’être seule. Et c’est vrai que l’ironie – et la réalité, qui est parfois ironique – c’est que je pourrais jouer mes chansons seule avec une guitare mais, quand même, le projet Monade, c’était de trouver des gens à mon niveau, c’est-à-dire des gens qui ne maîtrisent pas leur instrument super bien – voire qui commencent : ce qui est le cas de Nicolas au clavier, il ne jouait pas vraiment de clavier avant – et commencer ensemble à un niveau qui n’est pas professionnel et même plus qu’amateur, dirons-nous, et progresser ensemble… Moi, je ne jouais pas très bien de la guitare – et je ne joue toujours pas très bien – et le but c’était de progresser ensemble et de trouver les endroits dans la musique où ce n’est pas grave de ne pas contrôler mais, ce qui est important, c’est l’intention que l’on porte à ce projet et c’est ça qui transcendera. Et on s’est rendu compte avec le peu de concerts qu’on a fait que, effectivement – même si les publics de Monade sont très cléments et très gentils – il y avait quelque chose dans le fait de faire ça ensemble, et d’avoir cette intention là ensemble, qui transcendait et qui plaisait et que l’on pouvait partager. Et c’était beau, quoi. Bon, il y a toujours un connard qui viens nous voir pour nous dire « Mais pourquoi vous jouez mal ? Pourquoi vous faites exprès de mal jouer ? » (rires) Mais, bon, ça c’est inévitable : « Mais pourquoi le son il est pas bon, sur le disque ? ». Oui, le son, il est pas bon parce que c’est moi qui me suis enregistrée toute seule et je ne savais pas du tout ce que je faisais et que j’apprenais : il y a des gens qui ne sont pas sensibles à ça. Mais d’autres, oui… D’autres que ça inspire, même, qui veulent faire des choses et c’est un peu mettre le doigt sur le nerf que de dire que c’est dans le « faire » que tu es dans le vrai, finalement. C’est ça qui est important : c’est le « faire » plutôt que le résultat. Bon, il faut quand même qu’il y ait du résultat…

Ce qui différencie Monade de Stereolab, c’est donc une question de moyens ?
Oui. Mais il y a plein de choses qui différencient Monade de Stereolab. Stereolab, c’est un groupe qui a 12 ans d’existence et c’est les idées de Tim, qui lui sont propres, qui sont beaucoup plus cérébrales que dans Monade, comme je l’expliquais tout à l’heure… Aussi, la manière de travailler : moi, c’est ce qui me frustrait car on ne partage pas dans Stereolab. C’est « chacun fait son truc dans son coin et on ne partage pas ». Même si – on a fait peut-être 1000 concerts dans notre existence – oui, quand on fait un concert, on partage ensemble mais il n’y a pas… Je ne sais pas : c’est froid, c’est anglais, on ne se livre pas, on se raconte pas… Mais ça fonctionne aussi et c’est une force qu’il y a dans ce groupe. C’est… comme des petites monades qui sont mises ensemble et qui fonctionnent ensemble. A mon grand étonnement, des fois ! Et dans Monade, je voudrais fonctionner – je ne sais pas : je n’ai pas de plan pré-établi – je voudrais qu’il y ait plus d’échange humain et que ce soit un groupe. Parce que c’est ça aussi, être dans un groupe : ça peut être vraiment bien, ça peut être vraiment chouette humainement. Ca peut être une expérience humaine et pas juste des musiciens qui veulent faire de la musique ensemble et puis après – prout, prout – ils se retrouvent chacun de leur côté, quoi.

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